3000 grands singes volés chaque année

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3000 grands singes volés chaque année

Messagepar Philippe » Samedi 09 Mars 2013 8:20

En direct de la Cites, Bangkok (Thaïlande).

Il y a au moins un avantage à se retrouver plongée au cœur d’une « Conférence des Parties » - la seizième en l’occurrence, ou CoP16, qui se tient jusqu’au 14 mars - de la Convention sur le commerce international des espèces menacées d'extinction (Cites): on y remplit en quelques heures son panier de sujets. Il y a aussi un inconvénient : il faudrait des semaines pour les traiter tous. Confrontée à cette gigantesque boîte à outils de protection de la faune et de la flore sauvages, je me bornerai pour l’heure à évoquer les grands singes. Mes animaux de prédilection.

Une partie des discussions leur était aujourd’hui consacrés, autour d’un constat glaçant : chimpanzés, bonobos, gorilles et orang-outans confondus, au moins 22.200 grands singes ont été « perdus » dans la nature depuis 2005. Que sont-ils devenus ? « Vendus, tués à la chasse, ou morts en captivité », répond le Partenariat pour la survie des grands singes (Grasp).

Placée sous l'égide du Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE), cette alliance dédiée à la défense de nos proches cousins primates a publié, en marge de la CoP16, un document qui donne pour la première fois un aperçu détaillé de ce trafic. Fondé sur les saisies des douanes, les bases de données commerciales internationales, les rapports de police et le nombre de jeunes singes orphelins recueillis dans les sanctuaires, il prouve qu'”un minimum de 643 chimpanzés, 48 bonobos, 98 gorilles et 1.019 orang-outans ont été capturés dans la nature pour le commerce illégal" entre 2005 et 2011.

Un "sommet de l'iceberg" à partir duquel le Grasp estime à plus de 22.000 le nombre de grands singes “volés” dans la nature durant cette période. Soit près de 3.000 par an.

Les quatre espèces ont beau être toutes inscrites en annexe I de la Convention, qui interdit leur commerce international : le marché noir des singes vivants, de leur viande et de leurs parties (les mains de gorille, par exemple, vendues comme trophées… ou comme cendriers) se porte bien.

"La capture de grands singes dans la nature n'est pas nouvelle. Elle dure depuis plus d'un siècle", rappelle Achim Steiner, directeur exécutif du PNUE. "Mais l'ampleur du trafic décrit dans ce rapport montre qu’il est impératif que la communauté internationale et les organismes responsables de la conservation des espèces restent vigilants, et gardent une longueur d'avance sur ceux qui cherchent à tirer profit de ces activités". Une gageure. Car ce commerce illicite, comme celui de l’ivoire ou de la corne de rhinocéros, est de plus en plus lié au crime organisé et à ses réseaux transfrontaliers.

Ce trafic est aussi étroitement imbriqué avec celui d’autres produits de contrebande, armes ou drogues. Un homme a ainsi été récemment arrêté au Cameroun, qui transportait un chimpanzé camouflé au milieu de sacs de marijuana. Le jeu en vaut la chandelle : les marges bénéficiaires sont élevées. Alors qu’un braconnier africain vendra un chimpanzé 50 dollars, ses revendeurs pourront en retirer jusqu’à 400% de plus. Les orangs-outans peuvent atteindre 1000 dollars à la revente. En 2002, des gorilles ont été illégalement vendus à un zoo de Malaisie pour 400.000 dollars chacun.

« Les grands singes sont utilisés pour attirer les touristes dans des lieux de divertissement, des parcs d'attractions et des cirques. Ils sont même utilisés dans des séances de photos touristiques sur les plages de la Méditerranée, et pour des combats de boxe dans les parcs safari asiatiques », précise Doug Cress, coordonnateur du Grasp, qui rappelle que ces animaux « sont extrêmement importants pour la santé des forêts en Afrique et en Asie ».

Mais à quoi leur sert-il donc d’être inscrits en annexe I de la Cites, si leur trafic est si florissant ?

C’est là toute la limite de cette Convention internationale, outil législatif puissant mais sans moyens propres. Son application sur le terrain repose sur l'engagement des Etats à faire appliquer les contrôles et à lutter contre le braconnage. Et en ce qui concerne les grands singes, comme bien d’autres espèces, les mesures de répression sont loin derrière les taux de commerce illicite.

« Entre 2005 et 2011, seulement 27 arrestations ont eu lieu en Afrique et en Asie qui étaient liées au commerce des grands singes, et un quart d’entre elles n’ont pas donné lieu à des poursuites pénales », détaille le rapport du Grasp. A Bangkok, le Comité permanent de la Cites a précisé qu’un séminaire avait été mené par l’Organisation mondiale des douanes (OMD), en septembre 2012 à Kampala (Ouganda), “sur l’identification des meilleures pratiques, ainsi que sur les problèmes rencontrés dans les activités de lutte contre la fraude liée aux grands singes”.

Lors de cette séance de travail, le Comité a également évoqué une série de missions techniques effectuées fin 2012 dans les Etats de l’aire de répartition du gorille (Ouganda, Cameroun et Gabon), en conjonction avec le Grasp, Interpol, l’OMD et l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, “pour évaluer les activités et initiatives actuelles de lutte contre la fraude”. Mais des trafiquants et des protecteurs de la nature, qui courra le plus vite ? Et combien de temps encore les grands singes pourront-ils tenir ?

Catherine Vincent

Source : http://animaux.blog.lemonde.fr
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