Nous ne refusons pas le principe de programme de conservation ex-situ s'il peut conduire à la conservation d'une espèce. Mais ex-situ ne veut pas dire zoo. Nous avons soulevé le problème du statut de l'animal devenu "bien de consommation" dans les zoos et son impact négatif sur le statut de l'animal. Comme vous le savez sans doute, tout programme ex situ ne signifie pas "zoo".
Des zoos "parcs animaliers" ne relèvent que de la sémantique, les animaux restent artificiellement détenus pour satisfaire les visiteurs.
Vous savez comme moi qu'une grande part de la disparition des espèces est liée à la déforestation, à une destruction des milieux par des sociétés occidentales, à la production d'huile de palme.... Bien entendu, qu'il y a d'autres raisons, mais vouloir se dédouaner alors même que nous avons une responsabilité majeure, me semble choquant. Arrêtons de faire la morale au reste du monde, lorsqu'on est incapable d'évoluer nous même. Les zoos doivent prendre leur responsabilité, puisqu'ils véhiculent une image "négative" de l'animal.
Permettez moi de sourire en lisant votre réponse sur les zoos humains. Vous semblez visiblement croire profondément que cette "mission de conservation" justifierait le sacrifice des millions d'animaux, c'est votre droit. La grande différence entre "un camp de réfugié" et un zoo, c'est que les animaux des zoos, si vous ne le saviez pas, seront dans l'impossibilité de retrouver leur milieu un jour ou l'autre à la différence des réfugiés ...
Vous trouverez des exemples de réintroductions et de conservation d'espèces et vous ne pouvez parler que sur le marginal. La plupart du temps, ces programmes ont été construit hors-zoo et ce pour éviter que l'animal ne soit imprégné de l'homme, et lorsque cela a été fait au sein des zoos, on reste non seulement sur un nombre d'individus très restreints, mais aussi sur un pourcentage, au regard du nombre d'espèces menacées, très faible. Certains zoos comme celui de Doué par exemple, sont plus actifs et sans doute plus sincères que d'autres, mais pour autant sur le fond, cette transformation de l'animal en "produit de consommation" est préjudiciable.
Votre exemple des ours des Pyrénées illustre bien l'hypocrisie de nombre de ces programmes. L'ours des Pyrénées a disparu du fait de l'homme, et aujourd'hui comme vous le savez une part importante de la population locale n'est pas prête à le recevoir. L'Etat n'a que faire des ours (il accepte leur exploitation dans les cirques ou par les montreurs d'ours), c'est l'image de cette disparition qui le dérange. Soutenir d'un côté une réintroduction de l'ours tout en continuant à justifier son exploitation de l'autre est de cette ambiguïté qui fait que la situation ne peut évoluer favorablement. http://www.code-animal.com/cirques/ours-pyrenees-vision-esthetisante.html On ne peut pas d'un côté réduire l'animal à un "produit" et de l'autre parler de conservation, c'est un non-sens. Et c'est pour cela que la situation ne fait qu'empirer globalement. Vous pourrez bien entendu me citer quelques cas qui ont réussi, comme le pigeon rose, le tamarin lion, le cheval de przewalski, mais ceci reste marginal et ne règle en rien le problème de fond. La liste rouges de l'IUCN ne fait que s'allonger...
Maintenant, admettez aussi que vos assertions, empreintes d'une louable empathie à l'endroit des animaux mais pas forcément très recevables au regard de la réalité, n'apparaissent pas à tous très convaincantes.
Belle tournure de phrase dans laquelle vous opposez une réalité dont vous seriez le dépositaire à un angélisme (une louable empathie) dont je serai victime. Dès lors que l'on sort de cette vision verticale selon laquelle l'homme peut soumettre l'animal à son bon vouloir (en se targuant au passage de bienfaisance),votre contradicteur devient borné et baigné d'anthropomorphisme. Je vous rassure, j'ai l'habitude de ce mépris bienveillant.
Je vous laisse méditer cette allocution de Claude Levi Strauss en vous remerciant néanmoins pour cet échange :
En isolant l'homme du reste de la création, en définissant trop étroitement les limites qui l'en séparent, l'humanisme occidental hérité de l'Antiquité et de la Renaissance l'a privé d'un glacis protecteur et, l'expérience du dernier et du présent siècles le prouve, l'a exposé sans défense à des assauts fomentés dans la place-forte elle-même.
Il a permis que soit rejetées, hors des frontières arbitrairement tracées, des fractions chaque fois plus prochaines d'une humanité à laquelle on pouvait d'autant plus facilement refuser la même dignité qu'au reste, qu'on avait oublié que si l'homme est respectable, c'est d'abord comme être vivant plutôt que comme seigneur et maître de la création : première reconnaissance qui l'eût contraint à faire preuve de respect envers tous les êtres vivants."
(Allocution de Claude Levi-Strauss à l'UNESCO en 1971)