Des cercopithèques de Brazza, des mones de Campbell, 22 mangabeys à collier ... :
Reportage à la station biologique de Paimpont (Bretagne)

Des singes en forêt de Brocéliande. On pourrait croire à une légende, mais non. Depuis 1969, ils sont les locataires de la station biologique de Paimpont. Cette antenne universitaire, perdue au coeurde la forêt arthurienne, est unique en son genre. La seule en Franceà abriter son propre élevage de primates, dont les chercheurs étudient le langage...
Pour y accéder, il faut suivre la route forestière. Longer la forêt de Brocéliande jusqu'à une clairière, puis grimper jusqu'à la station. C'est ici, sur les terres de Merlin, que l'université de Rennes 1 a créé son antenne de terrain en 1968. À Paimpont, plus précisément, petite commune de 1 614 âmes, recouverte aux trois-quarts par la forêt. Drôle de lieu pour un site universitaire qui accueille régulièrement des pontes de la recherche scientifique. « Pas si drôle que ça, sourit le directeur de la station, Daniel Cluzeau. L'un de nos deux axes de recherche porte sur la biodiversité et les écosystèmes, c'est l'endroit idéal pour nous. »
Si le lieu est original, les habitants de cette station le sont encore plus. Au détour des salles et labos, on tombe sur des élevages d'animaux en tous genres. Des lézards, enfermés dans des dizaines de boîtes de verre, soigneusement étiquetées. Des blattes, qui s'affairent dans leur cage à température étouffante, ou encore ces mouches sans ailes, une étrangeté originaire des îles Kerguélen.
Mais pour découvrir l'originalité majeure de cette station, il faut quitter les bâtiments de bois et de béton et traverser le parking. On tombe nez à nez avec Marty, Elky, Chipie et les autres. En tout, cinquante-deux singes, nés et élevés ici, dans la forêt. À chaque enclos son espèce. Il y a les singes de Brazza, qui vivent uniquement en famille. Comme Polux, Lise et leurs rejetons. « Chez eux, il faut une très bonne entente pour que le couple copule. Ensuite, c'est pour la vie », glisse Audrey, l'une des doctorantes. Elle fait partie de la deuxième unité de recherche de la station, celle de l'éthologie animale et humaine, autrement dit de l'étude de comportement.
À côté, il y a les mangabés à collier, originaires d'Afrique de l'Ouest. Ils sont vingt-deux à se partager l'enclos. « Tout est très réglementé, tient à préciser Arnaud, l'animalier. Ici, nous faisons bien plus que ce qu'on nous impose en terme d'espace. Ils ne sont pas à plaindre, loin de là ! »
Et puis il y a les mones de Campbell, qui ont fait l'objet de nombreuses découvertes. « Nous avons observé que les femelles respectent les règles de tour de parole, avec une attention particulière portée à la voix des aînées, comme chez les humains », explique la professeure Catherine Blois-Heulin, passée par l'étude des libellules avant de se passionner pour les primates.
Ici, aucun test de laboratoire
Son collègue Alban Lemasson est lui aussi auteur d'une trouvaille qui a fait grand bruit dans le milieu scientifique : les mones de Campbell mâles possèdent une forme de syntaxe. C'est-à-dire qu'en mélangeant les six cris de leur répertoire, cette espèce est capable d'exprimer des messages différents. Ainsi, « Krak-oo Krak-oo» signale l'approche d'un prédateur... Le cri « Boom boom » appelle à regrouper les femelles pour partir. Mais « Boom boom krak-oo krak-oo » alerte de la chute d'un arbre ! Et la longue combinaison « boom boom hok-oo hok-oo krak-oo krak-oo », signifie qu'un autre groupe de mones s'approche et que ça sent le roussi !
Pour aboutir à ces découvertes, les scientifiques se sont contentés d'observer. Aucun test de laboratoire n'est mené ici. Pour l'étude du langage, les chercheurs enregistrent les sons puis les transforment en lignes graphiques dans un labo spécialisé. Ils analysent le volume, la fréquence, le degré d'émotion, le contexte... Au fil des ans, un dictionnaire du langage des singes a été mis en place à la station. « Hok », par exemple, désigne un rapace.
À quoi ça sert, direz-vous ? Une question qui se pose souvent pour la recherche fondamentale. « Le but est tout simplement d'améliorer les connaissances. L'étude du langage nous pousse, par exemple, à chercher des similitudes avec le langage humain », répond Catherine Blois-Heulin.
Ces scientifiques poursuivent le travail de deux chercheurs du CNRS, Jean-Pierre et Annie Gautier. Si la forêt de Brocéliande abrite des singes depuis 1969, en plus des elfes et korrigans, c'est grâce à eux. Éthologues en Afrique, ils ont ramené des animaux orphelins de leurs expéditions. La plupart des singes présents aujourd'hui en sont les descendants. Une génération qui n'a connu que le climat breton, et qui a su adapter son langage. Les cris anti-humains ont remplacé les cris liés aux prédateurs. Il paraîtrait même que la dernière fois qu'il a neigé à Paimpont, ils sont restés dehors pour jouer...
Source et photo : http://www.ouest-france.fr/actu/actuDet ... mpaign=RSS
Reportage à la station biologique de Paimpont (Bretagne)

Des singes en forêt de Brocéliande. On pourrait croire à une légende, mais non. Depuis 1969, ils sont les locataires de la station biologique de Paimpont. Cette antenne universitaire, perdue au coeurde la forêt arthurienne, est unique en son genre. La seule en Franceà abriter son propre élevage de primates, dont les chercheurs étudient le langage...
Pour y accéder, il faut suivre la route forestière. Longer la forêt de Brocéliande jusqu'à une clairière, puis grimper jusqu'à la station. C'est ici, sur les terres de Merlin, que l'université de Rennes 1 a créé son antenne de terrain en 1968. À Paimpont, plus précisément, petite commune de 1 614 âmes, recouverte aux trois-quarts par la forêt. Drôle de lieu pour un site universitaire qui accueille régulièrement des pontes de la recherche scientifique. « Pas si drôle que ça, sourit le directeur de la station, Daniel Cluzeau. L'un de nos deux axes de recherche porte sur la biodiversité et les écosystèmes, c'est l'endroit idéal pour nous. »
Si le lieu est original, les habitants de cette station le sont encore plus. Au détour des salles et labos, on tombe sur des élevages d'animaux en tous genres. Des lézards, enfermés dans des dizaines de boîtes de verre, soigneusement étiquetées. Des blattes, qui s'affairent dans leur cage à température étouffante, ou encore ces mouches sans ailes, une étrangeté originaire des îles Kerguélen.
Mais pour découvrir l'originalité majeure de cette station, il faut quitter les bâtiments de bois et de béton et traverser le parking. On tombe nez à nez avec Marty, Elky, Chipie et les autres. En tout, cinquante-deux singes, nés et élevés ici, dans la forêt. À chaque enclos son espèce. Il y a les singes de Brazza, qui vivent uniquement en famille. Comme Polux, Lise et leurs rejetons. « Chez eux, il faut une très bonne entente pour que le couple copule. Ensuite, c'est pour la vie », glisse Audrey, l'une des doctorantes. Elle fait partie de la deuxième unité de recherche de la station, celle de l'éthologie animale et humaine, autrement dit de l'étude de comportement.
À côté, il y a les mangabés à collier, originaires d'Afrique de l'Ouest. Ils sont vingt-deux à se partager l'enclos. « Tout est très réglementé, tient à préciser Arnaud, l'animalier. Ici, nous faisons bien plus que ce qu'on nous impose en terme d'espace. Ils ne sont pas à plaindre, loin de là ! »
Et puis il y a les mones de Campbell, qui ont fait l'objet de nombreuses découvertes. « Nous avons observé que les femelles respectent les règles de tour de parole, avec une attention particulière portée à la voix des aînées, comme chez les humains », explique la professeure Catherine Blois-Heulin, passée par l'étude des libellules avant de se passionner pour les primates.
Ici, aucun test de laboratoire
Son collègue Alban Lemasson est lui aussi auteur d'une trouvaille qui a fait grand bruit dans le milieu scientifique : les mones de Campbell mâles possèdent une forme de syntaxe. C'est-à-dire qu'en mélangeant les six cris de leur répertoire, cette espèce est capable d'exprimer des messages différents. Ainsi, « Krak-oo Krak-oo» signale l'approche d'un prédateur... Le cri « Boom boom » appelle à regrouper les femelles pour partir. Mais « Boom boom krak-oo krak-oo » alerte de la chute d'un arbre ! Et la longue combinaison « boom boom hok-oo hok-oo krak-oo krak-oo », signifie qu'un autre groupe de mones s'approche et que ça sent le roussi !
Pour aboutir à ces découvertes, les scientifiques se sont contentés d'observer. Aucun test de laboratoire n'est mené ici. Pour l'étude du langage, les chercheurs enregistrent les sons puis les transforment en lignes graphiques dans un labo spécialisé. Ils analysent le volume, la fréquence, le degré d'émotion, le contexte... Au fil des ans, un dictionnaire du langage des singes a été mis en place à la station. « Hok », par exemple, désigne un rapace.
À quoi ça sert, direz-vous ? Une question qui se pose souvent pour la recherche fondamentale. « Le but est tout simplement d'améliorer les connaissances. L'étude du langage nous pousse, par exemple, à chercher des similitudes avec le langage humain », répond Catherine Blois-Heulin.
Ces scientifiques poursuivent le travail de deux chercheurs du CNRS, Jean-Pierre et Annie Gautier. Si la forêt de Brocéliande abrite des singes depuis 1969, en plus des elfes et korrigans, c'est grâce à eux. Éthologues en Afrique, ils ont ramené des animaux orphelins de leurs expéditions. La plupart des singes présents aujourd'hui en sont les descendants. Une génération qui n'a connu que le climat breton, et qui a su adapter son langage. Les cris anti-humains ont remplacé les cris liés aux prédateurs. Il paraîtrait même que la dernière fois qu'il a neigé à Paimpont, ils sont restés dehors pour jouer...
Source et photo : http://www.ouest-france.fr/actu/actuDet ... mpaign=RSS