Royal Chitwan National Park
Népal
Février 2006
Népal
Février 2006
Je vais tenter de vous présenter l’un des espaces naturels que j’ai eu l’occasion de visiter.
Nous sommes sur un forum axé sur les parcs zoologiques. Je ne sais pas si ce genre de compte rendu présente un quelconque intérêt pour vous. J’ai essayé d’apporter des commentaires afin d’enrichir la présentation et votre connaissance du parc, en espérant ne pas vous saouler non plus.
Je suis évidemment ouvert aux critiques, n’hésitez pas à me dire ce que vous en pensez.
L’objectif est de vous donner une idée de ce que à quoi un visiteur lambda pourra s’attendre, même si le contexte de notre visite était très particulier.
Les parties politiques opposés au roi encore en place, ainsi que les rebelles maoïstes, militaient pour le boycott d’élections locales en multipliant les manifestations, parfois violentes. Le climat politique était tendu, après 10 ans d’insurrection (13 000 morts environ). Bien que les étrangers n’étaient pas concernés, très peu de touristes se rendaient au Népal.
Nous sommes restés 5 jours à Chitwan, et pendant 4 jours, ma femme, ma fille et moi-même fûmes les seuls touristes présents dans la réserve.
Ce fut une expérience irréelle. Mais en contre partie, il était impossible d’effectuer un quadrillage efficace pour débusquer les animaux.
Le parc couvre 932 km2, entouré d’une zone tampon de 760 km2. Il est situé au Sud du Népal, dans la région du Terai, et adjacent au sanctuaire de vie sauvage Valmikinagar (800 km2), en Inde.
Les animaux circulent librement entre les deux pays, et les extérieurs ne sont pas cloturés.
L’altitude varie entre 150 et 815 mètres. Ca surprend parfois, car le Népal est souvent associé à l’Himalaya.
Le parc est constitué à 70% de forets de Sals (Shorea Robusta), 20 % de prairies et 7% de rivières. La mousson provoque de grandes inondations, et permet le maintien d’un réseau de marécages même au cœur de la saison sèche, lieux de vie de bon nombre d’espèce.
Les courageux trouveront des informations plus précises sur ce document (en anglais), dont je me suis aidé pour ce compte rendu :
http://www.unep-wcmc.org/sites/wh/pdf/Chitwan.pdf
Nous avons visité le parc en Février. C’est la fin de l’hiver, qui correspond à la saison sèche. Les températures matinales sont d’environ 10°C, et la brume persiste pendant plusieurs heures après le levé du soleil. Une fois celle-ci évaporée, il peut faire 25/30°C.
C’est le début de la période ou les gardes brûlent les hautes herbes, afin de permettre leur régénération. Fin mars serait donc la meilleure période pour observer la faune. Les espaces sont plus découverts, et les traces sur la cendre sont aisées à suivre. Par contre, le décor n’est plus aussi beau. La température monte, et la mousson arrive en Juin, jusqu’en Septembre. Les activités du Parc sont alors suspendues. Puis l’air se rafraîchit à nouveau, le ciel se dégage. Le paysage est parait-il sublime en Novembre, lorsque l’air est toujours pur, l’horizon dégagé et que l’on aperçoit l’Himalaya en arrière plan. J’ai vu quelques photos, çà doit être exceptionnel.
Les safaris s’effectuent à pied, en bateau, à véhicule et à dos d’éléphant.
Safari à pied
Accompagné d’un guide armé … d’un bâton. Les marches s’effectuent sur les sentiers à flanc de colline. L’intérêt est d’y voir des traces, ou d’observer les plantes et oiseaux.

Empreinte de Tigre du Bengale (Panthera Tigris Tigris)

Trace de griffure de Tigre

Bulbul orphée (Pycnonotus jocosus pyrrhotis)

Pic sultan (Chrysocolaptes lucidus Guttacristatus)


Calao bicorne (Buceros bicornis homrai)
Photos prisent au 300 mm, puis, pour la dernière, agrandie à l’ordinateur. Heureusement, il était 11h00 du matin environ, la luminosité dans les sous bois n’était pas trop faible.
Safari en bateau
Il s’agit de longues embarcations en bois, à faible tirant d’eau, sur le cours des rivières Rapti et Narayani. En cette saison, le niveau de la rivière est faible.
C’est surtout intéressant pour l’avifaune, et pour la possibilité d’observer des gavials.
Les dauphins du Gange (platanista gangetica) ont maintenant disparu, notamment à cause de la construction d’un barrage à la frontière indienne.

Remonté de courant. Au premier plan, ma fille en plein effort.

Grande aigrette (Ardea alba )

Tadorne casarca (Tadorna ferruginea)
Je ne suis pas certain de l’identification. Si c’est le cas, il s’agit d’une espèce qui prend ses quartiers d’hiver dans la région.

Anhinga roux (Anhinga melanogaster)
Surnommé l’oiseau serpent, il s’agit probablement ici d’un jeune individu. Il existe une espèce de ce genre par continent (hormis l’Europe). Le plus étrange est de le voir évoluer dans l’eau. L’ensemble du corps se trouve sous l’eau, seul subsiste à la surface le cou et la tête. Je n’ai malheureusement jamais été capable de le prendre dans l’eau.


Gavial du Gange (Gavialis Gangeticus)
Il s’agit de jeunes individus, j’estimerais la taille à 2 mètres. Nous sommes très loin des 6 mètres que peuvent atteindre les adultes.
En 1977, un centre de reproduction des gavials a été fondé en bordure de la réserve par la Fondation Zoologique de Francfort. Plusieurs centaines de jeunes ont été relâchés dans la nature. Malheureusement, les lâchés ont été effectués sans études préalables permettant de définir les périodes et lieux optimums. Il est probable qu’un très grand nombre d’individus sont morts.
Depuis 2001, grâce notamment à l’implication et l’aide de la Ferme aux Crocodiles de Pierrelatte, des études plus poussées ont été menées in situ.
Tous ces efforts permettront peut-être de sauver cette espèce en danger critique d’extinction.
Je vous invite à télécharger ce PDF (en anglais) :
http://www.gharials.com/PDF/CADI%20NEPAL%20Gharial%20report%202005.pdf
ou alors, sur le site de la Ferme des Crocodiles :
http://www.lafermeauxcrocodiles.com/Proteger/Protection-des-especes/Protection-du-Gavial-du-Gange-au-Nepal
Safari à véhicule
Il est interdit de sortir des pistes. Il faut donc compter sur la chance pour croiser un animal.

Entelle (ou Langur) (Semnopithecus entellus)
Une photo prise à contre jour dans la brume du matin. Nous en avons vu un nombre vraiment très restreint, à ma grande surprise.


Cerf axis ou Chital (Axis axis)
Le mammifère le plus fréquemment rencontré à Chitwan. Peut-être même le seul que l’on a la certitude de croiser lors d’une visite de courte durée. Il est relativement peu farouche, reste en petit groupe, et fréquemment à découvert.

Paon bleu (Pavo cristatus)
Cette photo a une histoire. La tactique adoptée pour espérer voir un félin consiste à attendre, en véhicule, à la croisée de plusieurs chemins. L’espoir est d’apercevoir un animal, mais surtout, d’entendre le cri d’alarme d’un chital (Cerf Axis), voir d’un langur. Lorsque ceux-ci brisent le silence, le véhicule part dans la direction du bruit à la recherche de la cause. Après plusieurs dizaines de minute à rester immobile et silencieux, ce paon s’est montré. Evidemment, lorsque l’on espère un tigre, c’est décevant. Mais il a eu la courtoisie de nous présenter une belle roue, et force est de reconnaître que c’est magnifique.
D’ailleurs, l’un des souvenirs fort que nous ramenons de cette réserve est le cri des paons résonnant dans le calme de la jungle avant le coucher du soleil.

Sanglier indien (Sus scrofa cristatus)
Voici les seuls individus rencontrés. On peut remarquer le sol couvert de cendre, caractéristique des zones récemment brulées par les gardes du parc.

Cerf sambar indien (Cervus unicolor niger)
Très timide à Chitwan, et toujours à couvert dans les parties boisées. Le manque de luminosité ne facilite pas les photos, et celle-ci est prise à la tombée de la nuit. C’est la meilleure que j’ai pu prendre.

Chacal doré (Canis Aureus Indicus)
La seule rencontre avec cette espèce. Il s’agissait d’un couple, à couvert sous les feuillages, à proximité de la piste. Argh, la feuille devant les yeux !


Python Molure Indien (Python Molurus Molurus)
Serpent signalé par les habitants d’un village en bordure du Parc. Ici, l’animal est relâché par les gardes à l’intérieur du parc.
Pour terminer sur le safari en voiture, c’est avec ce mode de transport que nous avons rencontré un Léopard (Panthera pardus fusca). Il était à terre, debout et immobile dans les sous bois, à environ 10 mètres de la piste. L’arrêt du véhicule a suffit à le faire fuir. Il n’y aura donc pas de photo de celui-ci. Il régnait ensuite une grande excitation chez les guides qui nous accompagnaient. Bien que non menacés, la vision d’un léopard dans le parc est parait-il beaucoup plus rare qu’un tigre. Non seulement, c’est un animal discret, mais aussi, d’après eux, ils se tiennent plutôt dans la zone tampon, à l’extérieur de la réserve, afin d’éviter la concurrence des tigres.
Safari à dos d’éléphant
Voici le camp des éléphants du lodge où nous résidions. Il y avait 1 mâle, une dizaine de femelle environ, et un jeune. Chaque abri correspond à un animal, et ils sont alors enchaînés par la patte à l’un des poteaux porteurs.

Chaque éléphant à un mahout d’attribué. Chacun se charge de son animal, et lui prépare notamment sa nourriture.
Un animal peut effectuer dans une journée deux safaris de 3 heures chacun. Lorsqu’il n’y a pas suffisamment de touriste, j’ai pu constaté que les éléphants étaient quand même maintenus en activité dans le parc, tout au long de la journée, et également baigné.
Selon les dires des mahouts, les nuits dans le camp sont parfois particulièrement tendues, car c’est le moment choisi par un mâle sauvage pour s’approcher des femelles, lorsqu’il se trouve en période de musth (rut). Cet animal, que nous n’avons pas vu, était d’ailleurs le géniteur du jeune présent dans le camp. Le nombre d’éléphant sauvage à Chitwan semble extrêmement réduit.
Le safari à dos d’éléphant présente plusieurs avantages.
La possibilité de s’aventurer dans des endroits inaccessibles, et notamment dans les herbes de 5 mètres de haut.
La faune perçoit l’éléphant comme un animal non prédateur, et se laisse plus facilement approchée.
La possibilité de suivre une trace sans risque.
Le silence. C’est un élément dont on ne se rend pas compte en zoo, mais l’éléphant (Asie ou Afrique) est incroyablement silencieux lors de ses déplacements.
Un inconvénient majeur, l’inconfort. Chaque éléphant à son propre pas, et est réputé plus ou moins confortable. Quand on a la chance d’avoir un éléphant pour soi, et d’être posté dans l’axe de l’échine, ça va encore. C’est plus pénible lorsque l’on est assis sur les flancs, perpendiculairement à l’axe de la marche. Et probablement encore pire lorsque 6 personnes se partagent l’animal (plus le mahout et le guide).
Notez, à l’arrière, la présence du guide naturaliste du camp, qui se tient debout pendant 3 heures. Une véritable performance physique.

Un exemple de l’utilité d’être sur le dos d’un éléphant …

Notamment lorsque l’on tombe sur çà …

Gaur (Bos Gaurus Gaurus)
Le petit troupeau était totalement invisible à moins de 10 mètres. Les hautes herbes de Chitwan sont parfois pleines de surprises.


On peut également rencontrer cet animal …

Rhinoceros indien (Rhinoceros unicornis)




Les Rhinoceros indiens se trouvent essentiellement dans la réserve Indienne de Kaziranga, et dans les réserves Népalaises de Chitwan (plus son extension indienne) et Bardia (réintroduit à partir de Chitwan). Malheureusement, l’instabilité politique du Népal a contribué à renforcer le braconnage, alors que les populations étaient en croissance constante depuis 1968. Entre 1996 et 2007, les gardiens du parc furent enrôlés dans l’armée régulière, laissant la place libre aux exactions.
Une photo abominable sur la page d’accueil de ce site.
http://www.nepalrhino.org/index.php
Le WWF-Nepal mentionne la présence de 544 individus en 2000, et seulement 375 en 2005.
Les conflits avec la population locale, rurale et très pauvre, n’arrangent rien. Ces animaux ont la fâcheuse tendance à sortir du parc pour aller brouter les zones cultivées. Et la population va s’approvisionner en bois de chauffage à l’intérieur du parc, bien que ce soit strictement interdit. Les mauvaises rencontrent sont inévitables.

Champs cultivés aux abords du parc, avec affût utilisé la nuit par des veilleurs pour chasser les rhinos indésirables.
C’est en suivant la piste d’un ours que nous sommes tombés sur la scène suivante. Au final, 2h30 de traque sans succès mais la frustration a été atténuée par ces deux photos qui ne sont pas si fréquentes. Les jeunes rhinos ont la fâcheuse tendance à se positionner de telle sorte que leur mère se tienne entre eux et l’intrus.


Quelques autres rencontres au cours des safaris à dos d’éléphant …

Une jolie scène d’un groupe de male Cerf axis ou Chital (Axis axis)


Cerf muntjac d’Inde (Muntiacus muntjak aureus)
Croisé fugitivement quelques fois. Toujours timide, solitaire, dans les hautes herbes ou en sous bois. Un cauchemar insaisissable pour le photographe.
Une autre vision fugitive, d’une minute au maximum, à la tombée de la nuit …


Ours lippu (Melursus ursinus)
Ce fut la seule fois ou nous vîmes un ours.
C’est l’animal le plus redouté par les gardes. J’ai depuis retrouvé confirmation de cette affirmation en Inde, avec des histoires impressionnantes. L’animal qui a inspiré Baloo dans le Livre de la Jungle de Kipling est moins cool qu’on pourrait le croire.
Pour terminer, un petit tour dans les marais …

Bec ouvert indien (Anastomus oscitans)

Crocodile des marais (Crocodylus Palustris)
Cette espèce peut atteindre 4 à 5 mètres de long. A vue de nez, celui-ci devait ne pas être loin de cette taille. Mais je n’ai pas été mesuré.
Et pour le plaisir, un dernier rhino qui se tenait à une dizaine de mètres du crocodile ci-dessus …

Voilà, le compte rendu se termine sur cette dernière photo.
Nous n’avons pas vu de tigre, malgré la centaine d’individus que comporte le parc. Ma femme et ma fille s’en sont approchées à quelques mètres, entendant le feulement tout proche, mais l’éléphante sur laquelle elles se trouvaient a refusé d’avancer à l’aveuglette dans les hautes herbes. Devant l’énervement manifesté par celle-ci et la dangerosité potentielle de la situation, le mahout a préféré sagement renoncer.
Ceci a provoqué un grand désarroi de nos guides et mahouts. Nous les avons rassurés sur le fait que c’était la règle du jeu lors de tout safari. La vie sauvage est imprévisible, et tel ou tel animal n’est jamais garanti. C’est aussi pour cela que la rencontre avec un grand prédateur n’est jamais banale, même quand il s’agit de lion africain. J’eu la chance de croiser plusieurs léopards dans la nature, et, malgré le peu de photos que j’ai pu prendre, je me rappelle chaque rencontre parfaitement, même si c’était très fugitif.
Pour conclure, je conseillerais Chitwan à tous les amoureux de la nature. Des 5 parcs que j’ai visités dans la péninsule indienne (Pench, Kanha et Bandhavgarh en Inde, Yala au Sri Lanka), c’est celle qui me semble la plus attractive, aussi bien au niveau de la diversité de la faune, des paysages que de la diversité des modes de safari.
Il faut cependant garder à l’esprit qu’il n’y a aucune comparaison possible avec les réserves de l’Afrique de l’Est, en terme de densité animal. Il faut accepter de passer des heures sans voir aucun mammifère ou oiseau emblématique. Pour rappel, en 5 jours de présence, soit près de 30 heures de safari, le bilan visuel est :
1 léopard pendant 30 seconde
1 ours pendant 1 minute.
1 calao et un groupe de sanglier pendant 3 minutes.
1 seule rencontre avec des chacals et des gaurs.
Peut-être 5 minutes en temps cumulé avec un muntjac.
Seuls les chitals, langurs, rhinos et paons me semblent garantis sur un séjour de 1 nuit.
Si cela ne vous décourage pas et si, un jour, vous avez l’occasion d’aller au Népal, n’oubliez pas d’inclure ce parc dans votre itinéraire. Je pense que vous ne le regretterez pas.