Ouverture à Liège de l'exposition "zoos humains"
Une exposition exceptionnelle vient de s'ouvrir à la Cité miroir à Liège (Belgique). Une exposition consacrée aux zoos humains. L'histoire est peu connue, c'est pour ça qu'elle mérite d'être rappelée. Des hommes et des femmes ont été présentés aux foules dans des spectacles "exotiques", parfois même derrière des grilles. Ces zoos humains ont renforcé chez les populations occidentales le sentiment de leur propre supériorité. C'est tout ça que veut rappeler l'exposition qui vient de s'ouvrir.
Le phénomène des zoos humains commence avec Christophe Colomb qui ramène des indigènes du nouveau monde. Il continue avec les spectacles de cirque de Barnum et de Buffalo Bill et se termine en Belgique, en 1958, à l'exposition universelle. Il y a eu là un "village congolais". Notre ancien présentateur, Jacques Bredael, se souvient de l'avoir visité : " On avait reconstitué des cabanes, comme on imaginait qu'on les construisait en Afrique, avec du torchis et des toitures en feuilles de palme, et dedans, on pouvait voir des noirs, des hommes, des femmes et des enfants, qui se livraient à des activités "coutumières", les femmes pillaient du millet dans des calebasses, les hommes manipulaient des arcs et des flèches et faisaient mine de partir à la chasse, les enfants jouaient avec des osselets ou des choses comme ça ."
Les visiteurs leur jetaient des bananes et imitaient des singes
" Vraiment, l'expression de "zoo humain" qui sert de base à cette exposition à Liège, ça colle tout à fait bien. Et quand je l'ai visité ce village congolais, je dois vous avouer que je n'ai pas été choqué ! Je trouvais ça intéressant ! C'était comme une carte postale animée ! Ce n'est que plus tard que j'ai réalisé que peut-être bien il fallait se préoccuper du racisme. Avant ça, il faut être honnête, on en parlait peu." Ce village congolais à l'exposition de 1958, tous les visiteurs ne l'ont pas vu. Ses figurants ont fini par se révolter. Maarten Couttenier est historien et anthropologue au Musée Royal de l'Afrique Centrale à Tervueren : " Ces congolais, ils étaient humiliés tous les jours. Les visiteurs leur jetaient des bananes et des cacahuètes, ils imitaient les cris des singes. Alors, ils en ont eu marre. Ils ont dit "ça suffit !". Ils ont pris l'avion et ils ne sont jamais revenus. "
Reste qu'il n'est pas facile de tracer la frontière entre un zoo humain et un spectacle de cirque. Historiquement, la grande majorité des figurants, de l'ordre de 95 %, étaient payés et sous contrat, comme l'étaient les Sioux lors de leur tournée en Europe avec le Wild West Show de Buffalo Bill. Mais Il y a bien eu des gens exposés contre leur volonté, ou dans des conditions humiliantes, derrière des grilles, logés de manière exécrable. Il y a eu des malades et notamment sept morts dans le "village nègre" montré à Tervueren en 1897.
Une pédagogie au service des intérêts coloniaux
" Nos grands-parents n'étaient pas pires que nous ", explique Pascal Blanchard, historien. " S'il y avait un village mélanésien à Liège, nous irions le voir. Parce que nous sommes curieux et que la curiosité est le moteur de l'humanité. Nos grands-parents savaient que de toute leur vie, ils ne monteraient jamais dans un avion, qu'ils ne feraient pas de safari au fin fond de l'Afrique, et qu'ils auraient très peu de chances d'aller découvrir Hanoï ou les grandes plaines américaines. Ces expositions, pour eux, c'était le moyen de voyager. C'était une manière de donner la leçon de choses aux enfants. Tout ça doit être replacé dans ce contexte-là pour faire comprendre que ces zoos humains ont fait oeuvre pédagogique, mais une pédagogie tronquée, qui servait les intérêts coloniaux des Etats et les intérêts financiers des impresarios. "
Cette exposition consacrée aux zoos humains est ouverte à la Cité miroir, à Liège, jusqu'au vendredi 23 décembre 2016.
Source :
RTBF.
