par raphaël » Vendredi 13 Mai 2016 13:48
Je mettrai pour ma part tout ça sur le compte de la jeunesse...
On sait bien que la valeur n'attend pas le nombre des années et que ce forum est et fut fréquenté par des ptits jeunes déjà très lucides et intelligents (maxime a débuté bien tôt et nous avons Vik'tier) mais de manière globale, Beauval a effectivement tout ce qui peut séduire le jeune fan d'animaux : on y voit beaucoup d'espèces, les enclos ont l'air corrects, le tape à l'oeil impressionne quand on a encore peu de notions sur la réalité du milieu naturel, et la comm sur les programmes de conservation est importante.
Moi même, à 14 ans, après avoir visité Doué et Beauval, je les mettais à égalité (bon, c'était il y a dix ans et l'un comme l'autre ont bien changé depuis).
Pour répondre quand même à ce que disent zoobeauval25 et lordofdusk, comprenez bien une chose. Beauval est le zoo le plus visité de France. Il se proclame, à grand renfort de pub, être l'un des plus grands, des plus beaux, des plus forts zoos du monde. Il se dit être l'un des, sinon le meneur des zoos du pays et du continent en terme de présentation d'animaux, de conservation des espèces menacées, bref il se pose en modèle.
Donc forcément, puisque le zooparc se donne lui-même une telle importance, il est plus fortement soumis à la critique. Un modeste zoo de campagne qui a des mauvais enclos et d'autres bons suscitera plus de compréhension de notre part. Beauval dispose de moyens énormes, qu'aucun autre zoo français n'a. Et il le montre en créant des installations gigantesques : des barres d'hôtels effrayantes, des volières immenses, des complexes tropicaux en projets, des amphithéâtres vertigineux. L'argent y est. Cela fait donc plus de vingt ans que Beauval se développe quasi chaque année. Chaque année de nouvelles serres, enclos, complexes, etc. Et le zooparc n'a pas cessé de s'étendre. Je l'ai connu à 17 ha, il est passé à 22, 25, 30...
Pendant ce temps, le coeur initial de la vieille époque, disons avant 1995, est resté quasi intact. Les rangées de volières à perroquets sont toujours en place. C'est objectivement assez chiant à visiter, c'est répétitif, bruyant et les oiseaux sont placés dans de minuscules espaces. Même critique pour l'allée des primates : les trésors vivants que représentent tous ces cercopithèques, moustacs ou capucins font bien de la peine. En face, les installations de fauves sont tout de même très étriquées. Les ours et les pumas ayant les pires enclos, mais on ne peut pas dire que tigres, jaguars, lions ou servals aient bien plus de place. On peut aussi parler de la partie des rapaces, assez sombre et mal mise en valeur. Bref, depuis des années, Beauval crée de nouveaux pôles d'attraction en étendant ses murs (extension australienne puis asiatique, spectacle d'oiseaux, hippos) mais en délaissant son coeur qui devient négligé par les visiteurs et par tout le monde.
Donc oui, de la part du proclamé meilleur zoo du pays, nous attendons et exigeons mieux. Surtout, les décisions du zooparc semblent toujours guidées par une sorte de compromis entre volonté évidente d'attirer les foules et aussi sincère intérêt pour la conservation et la valorisation des espèces menacées. Mais il y a un aspect que Beauval néglige sciemment : l'emplacement naturel. Si beaucoup de zoos composent aujourd'hui avec leur site, préférant intelligemment créer une savane sur une surface ouverte et une zone forestière là où il y a des arbres, Beauval s'en fout. Leurs moyens semblent capables de tout acheter, et les emplacements choisis pour les okapis, les tapirs malais ou les bongos frisent l'incohérence. A coups de bambous et de bouleaux, on couvre un peu ce qui était un champ tandis que plus loin, les lions restent en pleine forêt. Malgré son discours, Beauval n'hésite pas à abimer ou à transformer une surface naturelle pour ses projets de développement. Des zones humides ont été asséchées, des arbres arrachés pour les extensions.
C'est pour tout ça que Beauval est, comme le dit okapi, difficile à aimer. Même si personnellement j'aime régulièrement m'y promener, car les espèces présentes sont magnifiques et que, tout de même, il reste des fleurs, des arbres, de l'herbe, le cadre est sympa et hors saison les allées sont agréables. Mais le zooparc fait trop souvent le choix du compliqué, du cher et du tape à l'oeil. On dirait presque même que le zooparc n'a pas les ambitions de ses moyens : quand on est le parc le plus connu du pays voire du continent, chaque nouvel enclos devrait être une réussite et un modèle ! Ce n'est parfois pas compliqué de faire bien. Quand on voit la prairie des bongos ou la volière des gypaètes, on voit un enclos comme on en faisait il y a vingt ans. Les animaux y vivront certainement bien, mais ce n'est ni beau ni novateur ni très renversant. A coté, pour le moindre enclos à mangoustes, Doué renouvelle le genre...
Ce qui me dérange un peu aussi, c'est que Beauval a déjà la plus vaste collection du pays... Chaque nouvelle arrivée devrait vraiment correspondre à une attente, un besoin et une info en plus. A mon sens, il y a bien trop d'enclos "inutiles" qui prennent de la place. Beauval pourrait se libérer d'une dizaine de grandes et moyennes espèces pour aérer sa collection.
Il est possible que l'avenir soit meilleur et que ces problématiques soient prises en compte. Le déménagement de certaines espèces a commencé, les lions notamment. La future immense extension de la savane devrait entrainer pas mal de chamboulements qu'on espère positif.
Avec Beauval, j'ai l'impression d'être tout le temps dans l'opposition : à ceux qui l'adorent avec des étoiles dans les yeux, je me sens obligé de rappeler toutes les réalités précédentes. A ceux, car il y en a, qui le détestent, j'ai aussi des arguments car j'aime bien Beauval. J'apprécie leur professionnalisme, les succès d'élevage qu'ils obtiennent, le soin apporté aux animaux, j'aime la serre des oiseaux, la plaine des rhinos indiens ou la serre des lamantins...
Mais le zooparc divise profondément. La réalité se situe entre les deux.
Les animaux des zoos sont les ambassadeurs de leurs cousins sauvages. (Pierre Gay)