Le zoo de Lille, star des balades dominicales, est toujours libre d’accès. Avant, c’était original. Maintenant, sur fond d’argent public rare, d’impôts locaux en hausse, de subventions aux associations en berne, c’est aberrant. Cette fausse gratuité fait en fait des perdants : les Lillois. Voici pourquoi.
Caramba, encore raté… Justifiant une hausse d’impôts, la semaine dernière, Martine Aubry pointait les services de qualité, parfois gratuits, offerts aux Lillois. Parmi eux, la star des familles : le parc zoologique. Dommage ! En ces temps de crise où la ville exige des efforts de chacun, une fenêtre de tir s’ouvrait pour affronter un dossier sensible : l’accès payant au zoo.
Pardon, plaît-il, allô ? Racketter le million de personnes qui se coudoient chaque année devant les pandas roux, les rhinos blancs, les zèbres ? Exactement. Mais pas n’importe comment.
Réglons son compte à un malentendu : non, le zoo n’est pas « gratuit ». Il est payé par les Lillois. L’entretien et l’exploitation du parc sont à la charge de la mairie, donc du contribuable. Une ardoise de 1,2 million par an, alourdie lors de gros travaux.
On adore nos voisins mais on cherche la logique
Un fonctionnement inique. Parce que tous les visiteurs ne sont pas des locaux. Loin s’en faut. Faute de statistiques précises, citons l’ex-élu au zoo, Cyrille Pradal, qui évoquait 18 % d’autochtones, ou un sondage de l’association Zooalil, qui dénombrait 50 % de visiteurs extérieurs à la métropole. Résultat, les généreux Lillois, à travers leurs taxes, paient l’entrée à leurs amis marcquois, lambersartois, madeleinois, et on en passe. On adore nos voisins mais on cherche la logique.
La ville cherche des recettes nouvelles ? En voilà une : faire payer l’entrée aux non-Lillois. Une discrimination tarifaire tout sauf révolutionnaire, et déjà pratiquée dans les piscines ou les médiathèques. La mesure aurait l’avantage de dégager des ressources (pour les caisses de la ville et/ou le zoo) tout en épargnant les Lillois.
Contactée, Lise Daleux, l’adjointe EELV déléguée à la biodiversité, marche sur des œufs. Mais concède : « Il faut qu’on regarde la question de la gratuité. Mon intention est d’engager une réflexion pour faire une proposition l’an prochain. » L’élue lorgne également un soutien financier de Lille Métropole.
Pendant ce temps, le zoo vieillit. Sans même parler de développement, sa rénovation aura un prix. Le tout est de savoir qui paiera.
Pierre Dhénin, président de Zooalil : « On paie pour voir des animaux morts, pas pour les vivants »
L’association Zooalil avait travaillé sur le projet d’extension du zoo, porté par la mairie, avant que la crise des finances publiques ne torpille le grand œuvre. « Les moyens, demain, ne viendront plus des collectivités », prédit son président, Pierre Dhénin.
Faire payer le zoo, c’est tabou ?
« Nous avions fait un sondage. Si le zoo adoptait un projet de qualité, avec des collections cohérentes, les visiteurs acceptaient l’idée d’une contribution raisonnable. Tous les grands parcs d’Europe fonctionnent avec une participation du public. À Lille, c’est quand même étrange, on paie pour voir des animaux morts, au musée d’Histoire naturelle, et pas pour voir des animaux vivants. Maintenant, prendre les lieux tels qu’ils sont et mettre un guichet, ça semble compliqué. »
Pourquoi ?
« Parce que le zoo de Lille est vu comme un lieu de promenade. C’est un héritage de l’histoire, du temps du jardin des bêtes, alors qu’un vrai jardin zoologique est un lieu de culture et de découverte de la nature. Il y a un million de passants plutôt que de visiteurs. Le zoo est à mi-chemin: il a beaucoup progressé en quinze ans, mais aujourd’hui, il plafonne. Ce n’est pas l’équipe qui est en cause. Il a besoin de place, d’un discours scientifique, d’une mise en scène. »
Sauf que les moyens manquent...
« La réhabilitation des équipements, totale ou partielle, va s’imposer. Faut-il refaire la même chose, au risque de tourner en rond ? Les moyens, demain, ne viendront plus des collectivités. Des parcs municipaux, comme Maubeuge, demandent un billet d’entrée. Paris, comme de nombreux grands parcs, a fait le choix d’un partenariat avec le privé. »
Repères
Né en 1953 comme un simple « jardin des bêtes », le parc a longtemps exposé des animaux recueillis ici ou là plutôt qu’une vraie collection. Il touche le fond dans les années 70 avant de reprendre des couleurs à partir des années 80, sans jamais se départir de son statut de zoo du pauvre, gratuit, sympa mais désuet et indigne d’une grande ville.
Fréquenté par un million de personnes chaque année, le site, dirigé par Géraldine Cassiat-Morisset, s’étend sur 3,5 hectares, emploie 33 agents et rassemble 300 animaux.
Source : La Voix du Nord.