L’outarde canepetière migratrice est-elle amenée à disparaître ? Il ne reste plus que 320 mâles en France, dont 267 en Poitou-Charentes.
Va-t-on assister, impuissants, en Deux-Sèvres, à l'extinction d'une espèce ? La centaine de personnes réunies depuis hier et jusqu'à ce soir à Chizé dans le cadre d'un séminaire national sur la conservation de l'outarde canepetière veulent croire que non, qu'il est encore possible de la sauver.
Pourquoi à Chizé ? Parce que c'est en Poitou-Charentes, et en Deux-Sèvres plus particulièrement que l'oiseau résiste. « Les effectifs ont chuté de 6.800 à 320 mâles chanteurs entre 1978 et 2012 », indique Nicolas Gendre, ornithologue à la LPO. « Soit un déclin de plus de 95 % de la population en 34 ans ! » Tous les ans en régions et tous les quatre ans à l'échelle nationale, une enquête permet de recenser les populations, à l'écoute du chant caractéristique du « mâle chanteur », un « pet ». Et c'est en Poitou-Charentes que l'espèce a le plus résisté car sur ces 320 mâles recensés en France, 267 se trouvent ici.
En sursis ?
Pourtant, dès le milieu des années 1990, des mesures ont été prises, à l'échelle européenne, nationale et départementale, avec des programmes et plans de sauvegarde de l'espèce. « Depuis une vingtaine d'années que des actions sont menées, on peut voir les choses de deux façons », indique Vincent Bretagnolle, directeur de recherches au CNRS de Chizé. « Le verre à moitié plein, c'est que depuis 2008, la population s'est stabilisée alors que le déclin était extrêmement élevé, le plus fort chez un oiseau d'Europe. » Le verre à moitié vide ? « Les effectifs ne remontent pas et la population s'est stabilisée à un niveau très bas. »
800 criquets par jour à trouver
« L'extinction était prévue avant 2010. Là, nous avons gagné du temps mais elle reste toujours plausible », estime Vincent Bretagnolle. Le principal « prédateur » de l'outarde, malgré lui, c'est l'agriculteur et plus largement la politique agricole. Rien de volontaire là-dedans mais des pratiques qui nuisent fortement à l'espèce. « Un poussin outarde doit manger 200 criquets par jour. Une femelle qui a quatre poussins doit en trouver 800 ! » Or, l'agrandissement des parcelles, la spécialisation des cultures, la disparition des haies, mettent à mal la biodiversité et les insectes deviennent difficiles à trouver.
L'autre grand ennemi de l'outarde, c'est le tracteur qui fauche ses nids en même temps que la luzerne. Des mesures agro-environnementales comprenant des aides financières pour les agriculteurs qui acceptent de modifier leurs pratiques permettent d'endiguer – un peu – le phénomène. Mais à une échelle si infime qu'il est possible de penser que le combat est perdu d'avance. « Surtout que la PAC 2015-2020, censée être plus verte, ne va pas changer grand-chose. Nos espoirs reposent désormais sur celle de 2021 mais… il faut que l'outarde soit encore là ! »
L'appui de l'élevage
En urgence, dans le cadre d'un programme européen (2004-2009), le centre d'élevage de Chizé a été créé en 2004. D'abord dans un objectif conservatoire « pour pouvoir conserver un patrimoine génétique en cas d'extinction ». Mais aussi pour enrayer cette extinction, en relâchant des jeunes dans la nature « car nous n'étions pas sûrs de l'efficacité rapide des mesures mises en place ».
Quarante à cinquante oiseaux adultes y sont élevés à Zoodyssée. « L'objectif, c'est de relâcher au moins 50 poussins par an. » Des petits, suivis grâce à des balises, qui montrent qu'ils s'adaptent bien en milieu naturel et migrent aussi vers l'Espagne.
Source : La Nouvelle République du Centre-Ouest.
Il existe aussi une petite population d'outardes migratrices en Champeigne tourangelle, au nord-est de Loches (Indre-et-Loire). J'en ai d'ailleurs aperçu quelques-unes lors d'une sortie au printemps dernier.