en complement
Source :
http://www.telquel-online.com/170/sujet4.shtml
2005 : journal Marocain « telquel »
L’état des zoos Marocains..
Un lion mal nourri devenu herbivore, des singes intoxiqués par des "sorcières", une hyène lobotomisée, des flamands roses devenues blancs… les zoos du royaume connaissent une multitude d’histoires d’animaux… pas toujours orthodoxes.
Pas de singes crevés à chaque cage, ni de lion au tour de taille à faire rugir d’envie les obsédés des régimes minceur ! La presse aurait-elle exagéré l’état de délabrement des parcs zoologiques du royaume ?
Toujours est-il qu’aujourd’hui, les zoos sont peu bavards, encore échaudés par quelques articles pyromanes et par leurs auteurs devenus leurs véritables bêtes noires.
Bien sûr, et sans doute ici plus qu’ailleurs, les animaux ne respirent pas la joie de vivre. Mais « l’espèce humaine en captivité n’est pas plus heureuse ! » lance, philosophe, M. Alaoui, responsable de l’organisation de la gestion du
parc zoologique d’Aïn Sebaâ (créé en 1928, racheté par la ville de Casablanca, en 1973).
Le parallèle serait-il inspiré par la concurrence qui existe entre l’homme et l’animal, dans les priorités de la ville ?
Si le parc doit connaître en effet des réaménagements cette année, « la ville est sans doute plus préoccupée aujourd’hui à reloger les bidonvillois », reconnaît le responsable.
Alors, en attendant (et sans doute pour longtemps encore), faute de place, on assiste à d’étonnantes cohabitations: des paons avec des poules et des pigeons, des gazelles ou des mouflons à manchettes avec des lamas, des chèvres naines avec des chameaux… « Des mélanges que l’on retrouve dans la nature » assure le responsable. « Bien sûr, on ne mettra pas une gazelle avec un lion : elle risque d’être un peu stressée… ».
Les mauvaises langues disent que ce sont ces cohabitations forcées qui sont à l’origine de la naissance du « Zybride » : un étonnant hybride zèbre-âne, né au
zoo de Témara (Rabat). Une rareté. Il existe d’ailleurs bien plus de noms de ce zébroïde (zébret, zebrass, dozed, donzèbre, zane…) que de l’animal lui-même ! Les responsables du zoo affirment bien sûr qu’il s’agissait d’une expérience.
« Les animaux s’adaptent à tout » . Et c’est un fait fréquemment observé à Aïn Sebaâ : des daims se partagent un paquet de chips sur une chanson de Bob Marley (la musique diffusée par le parc d’attraction installé juste derrière).
Des cygnes picorent des pop corns (proposés à la vente à l’extérieur comme à l’intérieur du parc, en même temps que des rhinocéros et des flingues en plastique), un flamand rose plonge le bec dans un bac à ciment, des singes neurasthéniques cohabitent avec quelques rats bien plus vifs et des poneys et oryx écoutent les trains passer, privés d’image : un haut mur les séparant de la voie ferrée.
Il faudrait être vétérinaire ou éthologue pour savoir si ce qui ressemble à une pelade nerveuse des cerfs est dû à l’environnement sonore imposé par l’ONCF (environ un train tous les quarts d’heure).
Le régime alimentaire du crocodile laisse plus perplexe : des bouteilles de Sidi Ali, de Pom’s, de Danone vanille, des papiers de glaces et de chocolat… évidemment, "c’est la faute aux visiteurs, mal éduqués".
Plus que le croco mangeur de « Danoun’ », c’est le lion de l’Atlas, le véritable objet de fierté du zoo d’Aïn Sebaâ. Après une étude sur la reproduction commencé il y a dix ans (et des premières naissances en 1997), le zoo aura contribué à la sauvegarde de ce lion mythique. On parle même d’une réintroduction de l’animal dans la région d’Azilal, d’ici 2010.
Ici comme à Témara, cet animal alimente toutes les rumeurs et est l’objet de toutes les attentions. D’ailleurs, l’un d’entre eux il y a bien des années en avait fait les frais. Le pauvre était borgne : un imbécile l’avait visé avec une pierre !
Du côté de Rabat, on prétend qu’un lion mal nourri était devenu herbivore. « Impossible » affirment, aussi catégoriques qu’amusés, les responsables des deux zoos. Il n’y aurait pas plus de lion herbivore que de singes marocains envoyés en Irak pour faire sauter des mines anti-personnelles. Une pure invention ! « Il devait s’agir d’un lion malade, avec des problèmes de digestion » suggère-t-on. Et des malades, il y en a…
En 2004, 140 animaux décédaient au Parc zoologique national de Rabat : des éléphants, des girafes, des singes, des tigres, des rapaces… Les moyens manquent cruellement, mais c’est le visiteur qui est cité par la direction comme cause première de ces décès.
C’est vrai qu’il n’est pas tendre avec les animaux. Et cela, dès les origines… Mohamed Chakir était assistant vétérinaire en 1970 lorsque le zoo n’était encore qu’une fauverie (récupérée du Palais royal). Il se souvient encore, avoir ramassé le lendemain de l’ouverture du zoo de Témara au public (septembre 1973), des monticules d’objets étranges dans la cage aux singes. « Il y avait des talismans, des mèches de cheveux… Les singes habituellement très actifs étaient immobiles et souffraient de diarrhée. L’un d’entre eux avait été retrouvé mort. L’autopsie avait confirmé l’empoisonnement ».
Le vétérinaire a vu passer de drôles d’oiseaux : comme cette jeune femme instruite qui essayait de lui soutirer des poils de lion ou cette vieille femme qui lui avait demandé où se trouvaient les hyènes : « Je te jure mon fils c’est pas pour faire de la sorcellerie à mon mari ! m’avait-elle dit ».
Comment ne pas se souvenir de la hyène de Témara au crâne fracassé dont on avait retiré la cervelle, plus prisée encore en sorcellerie que ses poils ou ses excréments ? Elle avait eu encore moins de chance que l’âne dont on avait coupé la langue, sur recommandation d’un fqih.
Le visiteur n’est pas très prudent non plus. En février dernier, à Rabat, un jeune Tangérois de 21 ans s’est fait mordre par un hippopotame après avoir franchi deux barrières et escaladé un mur de 1,20 mètre.
Longtemps, les zoos ont fait des petits trafics. En 1999, on découvrait justement un étrange commerce de viande d’âne qu’un tenancier de gargote servait sous forme de merguez dans un quartier populaire de la capitale. Un préposé à la nourriture des fauves était, dit-on, de mèche avec le vendeur de saucisses d’âne qui s’était taillé la part du lion.
Plus récemment, l’association "SOS magots" alertait les médias contre la vente illégale des singes magots et la participation du zoo d’Aïn Sebaâ au trafic de l’espèce protégée.
Ces singes sont aujourd’hui victimes d’une mode en France (ce sont les nouveaux pitbulls, utilisés comme animal de combat ou de compagnie) et d’un désintérêt possible des administrateurs des Eaux et forêts à l’égard de ces destructeurs de cédraies.
Mais pour M. Alaoui qui ne veut pas s’étendre sur le sujet, « Si on souhaitait vraiment supprimer des magots trop nombreux, on introduirait des panthères. C’est la règle en la matière : l’introduction des prédateurs. Ici, le seul commerce autorisé est celui des animaux que l’on trouve au souk : lapins, poules, chèvres, pigeons… ».
Pour Mohamed, assistant vétérinaire, les débuts du parc de Rabat, s’était beaucoup de tâtonnement. « Comme le jour où les flamands roses étaient devenus blancs. J’ai tout essayé et ce sont finalement des aliments avec du piment rouge en poudre qui leur ont redonné leur couleur… ». Mohamed avait plus de difficulté à rendre compte de la gestion.
Les employés qui s'occupent de nourrir les animaux voyaient passer tous les jours des bananes, des figues, des dattes, du miel, des vitamines, des sels minéraux, des lapins, des légumes de toute sorte… "Alors même que leurs enfants étaient nourris au pain et au thé.
Beaucoup de choses disparaissaient". Mohamed avait fini par démissionner. à Aïn Sebaâ aujourd’hui, la politique est simple et juste : « On ne peut tout vérifier, mais tant que l’animal est en bonne santé, ça va » résume Alaoui.
Aïn Sebaâ : zoo de Casablanca (créé en 1928, racheté par la ville en 1973)
- Superficie : 2 hectares
- Nombre d’animaux : Environ 600 (60 à 70 espèces / 3000 DH dépensés par jour en moyenne pour la nourriture)
Témara : zoo de Rabat (créé en 1969)
- Superficie : 52 hectares
- Nombre d’animaux : Environ 2000 (2 tonnes d’aliments par jour, 700 par an)
- Nombre de visiteurs : 400.000 en 2004 (3.700.000 DH de recettes )
- 22 gardiens et 56 ouvriers
- 154 sorties d’animaux (vendus ou échangés en 2004)