La Flèche devient "La Flèche Zoo and Resort"

[Philippe]

Dans son livre "Jacques Bouillault, une vie de naturaliste", Emmanuel Mouton évoque en détails la fin du zoo du Tertre Rouge. Voici quelques infos tirées de cet ouvrage paru en 2003 aux éditions Cheminements.
En 1983, le parc accueille seulement 166.000 visiteurs, soit 80.000 de moins qu'en 1973. En cause notamment la crise économique générale et des conditions climatiques défavorables.
La situation devint particulièrement critique en 1986 malgré l'élan de solidarité né autour du parc avec la création d'un comité de soutien "SOS Tertre Rouge", de nombreux reportages télévisés, plusieurs interventions de Jacques Bouillault dans l'émission Les animaux du monde de Marlyse de La Grange ou encore un gala organisé à La Flèche avec Patrick Sébastien comme animateur.
Malgré cela, fin 1986, la dette du parc s'éleve à 1,5 million de francs. Le créateur du parc prête alors 200.000 francs (toutes ses économies) à la SARL "Parc zoologique Jacques Bouillault - société de sciences naturelles du Tertre Rouge" pour tenter de sauver l'établissement mais en vain. Le 8 avril 1988, la SARL dépose le bilan et le zoo est placé en redressement judiciaire avec une dette estimée à 2,4 millions de francs.
Trois repreneurs se proposent alors : Raymond Da Cunha (un assureur proche de la famille Bouillault), la municipalité de La Flèche et Claude Bargues, directeur du Safari Parc de Peaugres. A la question du juge-commissaire sur le repreneur le plus à même de prendre les rênes du parc, Jacques Bouillault répond M. Da Cunha. Peu après, le "Tertre Rouge" devient le "Zoo de la Flèche".
Jacques Bouillault quitta définitivement le zoo en 1992 où il poursuivait jusqu'alors ses activités pédagogiques.

[didier]

Aujourd'hui, c'est Stéphane Da Cunha qui dirige La Flèche, il me semble qu'il a revendu Pessac, il n'avait pas un autre projet de parc en France ?

[gibbon]

Je ne suis pas sûr qu'il y ait eu des rennes à La Flèche, mais pour les rênes de l'entreprise, il faut demander à ceux qui ont vécu la période...

Oui je sais désolé ça peut arriver à tout le monde. Je parlais des rênes du zoo évidemment. J'avais lu la présentation de Jonas, mais je ne savais pas si elle était fiable. Merci en tout cas pour ces réponses. Mais pourquoi a-t-il quitté définitivement le zoo en 1992 ? Peut-être parce que ça lui fendait le coeur d'être relégué au second rang dans sa propre "maison" et qu'il n'a plus supporté...

[gibbon]

Normal, je n'utilise pas la correction automatique (contrairement à d'autres )

[okapi]

C'est peut-être aussi une question d'âge, non? Et puis, l'évolution du parc devenait peut-être incompatible avec sa vision... En revanche, ce qui est intéressant, c'est la mutation du zoo: passer d'un parc plutôt moche et moribond à une entreprise florissante, sans changer de site et avec un plan de collection pas vraiment révolutionnaire, c'est un bel exemple de reconquête! Certes, il y a eu de l'argent investi et des intentions paysagères, mais un parc qui frôlait les 300 000 entrées à un moment donné aurait pu/du prendre le virage d'une manière ou d'une autre, non? Est-ce le destin des parcs de connaître ce genre d'évolution ou est-ce que Jacques Bouillault n'a pas su/voulu faire évoluer son parc au moment voulu?

[okapi]

Et pour le cas qui nous occupe, je crois malheureusement que la correction automatique n'aurait rien changé... On va mettre ça sur le compte de ta passion immodérée pour les bêtes, libres et sans contraintes... Les rênes, finalement, c'est un moyen de coercition...

[raphaël]

Bien entendu que ces photos d'un autre âge, d'un directeur qui faisait mumuse avec ses animaux, nous parait déplacé, mais c'est comme critiquer le racisme qui sort des textes rédigés par les anthropologues du 19ème siècle, il faut resituer ça dans une époque ! Ces gens là, que ce soit Bouillault, Caillé, Gay, Ducuing, St-Pie, étaient de sincères passionnés, et je ne pense pas qu'ils souhaitaient gagner de l'argent sur leur passion (à part Caillé qui a étudié le marché, il suffit de voir où les autres se sont installés, le plus souvent dans leur jardin, pour voir qu'il y avait peu de réflexion économique). Durrell aussi est très souvent observable en photo avec un guépard, un lémurien ou un bébé gorille. Mais les animaux étaient au coeur de leur préoccupation, et pas seulement un outil économique.
Après, il est évident que souvent, ces gens n'ont pas vu la nécessité de faire évoluer leur structure... Bouillault n'a pas rénové son zoo vieillissant, Louis Gay aurait-il fait la même chose sans la motivation de son fils ? Et Asson a également longtemps vécu coincé dans son époque...
L'évolution était nécessaire,mais une telle cassure de philosophie, je ne sais pas. Bouillault était un naturaliste, du genre à adorer observer les oiseaux au bord des étangs à 70 ans passés. Pas sûr que ça soit la passion de la direction actuelle...

[Philippe SACHOT]

Je retrouve ici, une partie de mon enfance et un zoo qui ressemblait à une succession de constructions improvisées.
A cette époque, le zoo modèle c'est Ermenonville. On présente tout mais le cadre n'a pas d'importance. C'est pourquoi, la Flèche, dans la pinède avait un caractère propre.
Le personnage de Mr Bouillaut, ses visites commentées, ses histoires parfois très fantaisistes faisaient de la visite de la Flèche un vrai moment de bonheur.
Aujourd'hui, nous ne pourrions plus accepter ces cages minuscules (l'étagère des panthères était la plus vaste cage à fauves). Le bassin des otaries ne faisait pas plus de 2m de diamètre. Pour les photos dans la végétation, il fallait faire sortir les animaux de leur cage (même le tigre ou l'éléphant). Les orang-outangs vivaient dans l'actuelle maison des chimpanzés et n'avaient aucun accès à l'extérieur. Les gorilles étaient aussi très à l'étroit sans aucun enrichissement mais les connaissances de l'époque sur les besoins spécifiques de chaque espèce étaient très réduites.

De plus, Mr Bouillaut, comme d'autres, faisait des expériences de croisement. Les pythons rémols (molure avec réticulé), l'éléphant d'Asie (Cali) mâle avec une femelle africaine. L'âne avec une femelle zèbre.
Quand je parle d'histoire fantaisiste, parfois Mr Bouillaut créait des histoires à ses animaux, des sauvetages improbables, une férocité que lui seul pouvait dompter alors qu'en réalité l'animal apprivoisé lui avait été offert par un collègue.

Pour la question, pourquoi la faillite, je pense que la réponse est simple. Après avoir créé le zoo privé d'après guerre, il était impossible d'imaginer de pouvoir faire autre chose à la Flèche. La recette des bisous aux ours fonctionnait très bien, comment imaginer que le visiteur souhaite maintenant voir les chimpanzés sur des îles, des panthères sur des pelouses et les éléphants sur 1ha. Les moyens financiers de la Flèche poussaient la croissance en terme d'espèces présentées mais pas du tout leur mode de présentation. Le départ de Mr Bouillaut est dû probablement à cette incapacité à comprendre la nouvelle vision du zoo par la famille Da Cunha. D'un côté Mr Bouillaut cotoyait Martine, Cali alors que la nouvelle direction s'occupait d'une hyène tacheté et d'un éléphant d'Asie mâle.
Autre temps, difficile à accepter quand on a énormément travaillé sur un bébé que l'on voit grandir et nous échapper...