Le nouveau Vincennes 09/2011 - 04/2014 ?

Nouvelles installations, arrivées et transferts d'animaux, événements...

Re: Le nouveau Vincennes 09/2011 - 04/2014 ?

Messagepar okapi » Samedi 04 Août 2012 9:29

Il y a belle lurette que le "moule magique" des okapis était brisé lorsque Vincennes a fermé! La notion d'élevage est très ambiguë: une naissance tous les deux ou trois ans, ce n'est pas à proprement parler un élevage... Pour moi, élevage est synonyme de discrétion, d'absence de public et de résultats significatifs. Une seule cage avec un seul couple, ce n'est pas vraiment de l'élevage au sens strict du terme: on élève un petit pour signifier que le zoo est bon et rassurer les visiteurs. Produire une descendance abondante passe par des colonies importantes, protégées des nuisances du public et à l'écart des circuits imposés. En fait, élevage et visiteur sont totalement antinomiques...
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Messagepar Antoine6259 » Samedi 04 Août 2012 20:22

okapi a écrit:Vincennes, comme la Ménagerie ne peuvent avoir qu'un rôle de "vitrine", somptueuse dans le premier cas, mais surement pas d'instrument de conservation, soyons sérieux! A de très rares exceptions près, ces parcs ne reproduisent que très mal les espèces les plus menacées. C'est un rôle qui est dévolu à la Haute Touche, bien mieux équipé pour créer des groupes et des colonies, voire à Clères pour les oiseaux. C'est d'ailleurs sur ce plan-là que la Ménagerie est la plus performante, même si les gouras, les hoccos et la plupart des faisans ne se multiplient guère sans parler des casoars... Les installations de ces espèces sont tellement moyennes que ce n'est pas complètement étonnant, mais on ne voit pas très bien pourquoi ça devrait changer. En revanche, pour les maras, les yacks, les dromadaires, ça roule! On sauvera les longibandes, les gaurs et les anoas, mais on notera qu'en matière de reptiles, c'est pas le boom non plus... On parle donc d'une vingtaine d'espèces qui se reproduisent avec une certaine régularité: évidemment, les agamis font remonter la moyenne!

La Ménagerie n'a pas de si mauvais résultats en matière de reproduction si l'on regarde bien. Oiseaux en effet, mais aussi la plupart des ongulés : gaurs, anoas, chevaux de Przewalski, bharals, arkals, markhors, bouquetins du Caucase... Dans les félins, les longibandes ont été un de leurs grands succès (à l'heure actuelle le couple ne devrait plus se reproduire dans l'immédiat, à la demande du coordinateur), mais il y a également eu des bons résultats chez les panthères de Chine (mais là il n'y en a plus qu'une donc forcément...), les manuls eux ne risquent pas de se reproduire car ce sont deux mâles. Dans les singes, il y a régulièrement des naissances chez les mangabeys couronnés, et il y en avait eu chez les cercopithèques de L'Hoest (les autres espèces, je ne suis pas sur qu'il y ait encore beaucoup de couples reproducteurs ?) Les reptiles ils en ont eu un petit peu (une espèce de varan dernièrement si je me souviens bien ?) mais je crois que plusieurs spécimens sont seuls (pas mal d'animaux récupérés des douanes comme à Lille je crois ?)
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Messagepar didier » Samedi 04 Août 2012 20:34

Panthère de Chine : je crois qu'il n'y a eu qu'une portée et malheureusement plusieurs pertes d'individus . Il ne reste qu'une vieille femelle stérile , pas sûr que cette espèce rare soit toujours présentée à la ménagerie après sa disparition .
En France , la liberté d'expression est un principe intangible, c'est sur cette base que toute personne peut librement émettre une opinion, positive ou négative, sur un sujet mais aussi sur une personne physique ou morale, une institution .
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Messagepar Antoine6259 » Samedi 04 Août 2012 20:51

Sinon, je ne sais pas si c'est là que tu voulais en venir Okapi, mais cela me rappelle un autre débat. Avec Zooalil, nous avions fait venir différents directeurs de parcs pour des conférences. Et si évidement tous étaient d'accord pour donner une nouvelle image aux parcs zoologiques actuelle, autre que celle d'un lieu de divertissement, nous avions remarqué qu'en réalité on avait deux idées qui émergeaient sur la priorité.

Pour Pierre Gay, la priorité était de manière évidente la conservation. Et effectivement, ils nous a bien présentées les différentes actions menées ex-situ et in-situ par le zoo de Doué, avec choix d'espèces en EEP ou menacées, partenariat avec les populations locales, réintroductions...
En contrepartie, Gérard Galliot de Besançon parlait lui aussi bien entendu de conservation dans le sens où un zoo doit évidemment présenter des espèces menacées, mais ce qui ressortait de son discours était avant tout l'idée du zoo comme un musée vivant (lui-même est également responsable des musées à coté si j'ai bien compris ?) et où la priorité doit surtout être donnée à la pédagogie. Et par exemple, il nous expliquait que son parc présente également plusieurs espèces qui ne sont pas en EEP, et qui ne sont même pas menacées, comme des rongeurs européens, des insectes vivant dans nos maisons, un aquarium montrant la faune aquatique du Doubs... Et que pour lui, le rôle du zoo est de faire comprendre au public ce qu'est un écosystème, comment les animaux peuvent vivre en société, s'adapter à un milieu, quels sont les animaux qui nous entourent mais que l'on ne remarque pas...

Je trouve que les deux idées se défendent !
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Messagepar okapi » Dimanche 05 Août 2012 12:06

Doué est dans la droite ligne de Jersey et le plan de collection est très intelligent puisqu'il permet d'associer des girafes, des tigres, des ours et des rhinocéros, blockbusters pour le public, mais qui laissent de beaux espaces pour une multitude d'espèces moins "bankables". Doué est vraiment une vitrine pour valoriser des projets in situ, mais l'accent est clairement mis sur la création de modes de présentation hors normes pour les espèces du parc. Un zoo DEVRAIT être systématiquement conçu dans cette optique, sans autre concession et avec un plan de collection utile. Il n'y aura jamais assez de pédagogie autour du principe de détention et c'est vraiment dans les modes de présentation que les zoos ont tout à inventer. La Carrière des rhinos de Doué, la Grande Volière sont des concepts innovants, liés évidemment à un site exceptionnel, mais rien n'interdit de réfléchir à des structures différentes, des investissements lourds bien sûr, mais qui peuvent être compensés par des aides diverses et surtout qui modifieraient la perception du zoo pour de nombreux visiteurs.
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Messagepar gibbon » Dimanche 05 Août 2012 16:25

Pour revenir au Zoo de Vincennes, la lecture du plan du nouveau parc m'amène à me poser quelques questions:

1/ Dans les zones Madagascar/Guyane, que signifie les "îles existantes sans animaux"? Est-ce des îles incoccupées dans un premier temps mais qui serviront d'espace d'isolement pour des primates présents sur d'autres îles? Ou bien sont-elles des îles destinées à être toujours vides et à faire juste partie du paysage?

2/ Que signifient "Espace de réserve COATI", ou encore "PHACOCHERES en réserve", "Espace de réserve REQUIN POINTE NOIRE", "Espace de réserve MANGROVE Périophtalme Crabe violoniste" ?

3/ Pourquoi les singes hurleurs seront dans une grande volière alors que les sajous seront sur une île ? Je pense que c'est parce que les premiers savent nager et pas les seconds ?

4/ Y aura-t-il des bouquetins ou des isards sur le Grand Rocher comme auparavant ? Ils ne figurent pas sur le plan.

Merci pour vos réponses !
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Re: Le nouveau Vincennes 09/2011 - 04/2014 ?

Messagepar didier » Dimanche 05 Août 2012 16:34

Je peux répondre pour la 4 , il n'y aura plus d'animaux sur le grand rocher .
En France , la liberté d'expression est un principe intangible, c'est sur cette base que toute personne peut librement émettre une opinion, positive ou négative, sur un sujet mais aussi sur une personne physique ou morale, une institution .
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Messagepar Bombyx » Dimanche 05 Août 2012 17:36

C'est un plan qui pourra évoluer dans le futur ou rien n'est encore fixer définitivement (surtout pour les animaux marqués en "réserve).
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Messagepar Therabu » Mardi 07 Août 2012 14:04

Si l'on suit la conception de Besançon pour la conservation, la zone européenne de Vincennes se justifie largement. Meme si certains parcs sont plus adaptes a présenter les animaux européens, aucun d entre eux ne peut se prévaloir d éduquer autant de monde que Vincennes. La fréquentation cumulée de ces parcs n égale meme pas celle que fera Vincennes.
Au passage, Doue a aussi pour projet de faire une carrière européenne pour sensibiliser le public et présenter ses projets in situ en Europe. Les deux conceptions de la conservation precedement distinguées ne sont peut être pas si différentes.
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Messagepar raphaël » Samedi 11 Août 2012 16:28

Je suis d'accord avec Therabu, les deux visions ne sont pas si différentes, et puis il y a des milliers de bonnes idées qui peuvent être réalisées dans un zoo, tout dépend de la place, de l'esprit, des lieux...
Le nocturama aux rongeurs de Besançon est très bien, comme l'insectarium, et permettent de présenter une foule d'animaux intéressants sur une petite surface, dans un milieu fermé.
Peut être que les mêmes directeurs, sur un zoo du sud de 50 hectares, préféreraient présenter un écosystème de savane africaine, etc...
Je ne pense pas qu'il y ait une conduite à tenir stricte, valable partout, mais plusieurs bons choix à faire selon les lieux. Doué est un modèle exemplaire, Jersey aussi, La Vallée des Singes également...
Vincennes peut composer avec toutes ces inspirations.

Et pour la question 3 de gibbon, les singes hurleurs sont présentés sur des îles à plusieurs endroits comme au Lunaret par exemple.
Les animaux des zoos sont les ambassadeurs de leurs cousins sauvages. (Pierre Gay)
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Messagepar Antoine6259 » Dimanche 12 Août 2012 23:05

Je pense qu'il y a bien une différence, mais elle s'illustre davantage dans la manière de présenter les choses que dans la façon de concevoir le parc.

Là ici, c'est juste mon avis : Je que la façon de présenter les choses qu'a Pierre Gay vient de celle de Gerald Durell. On introduit l'idée de conservation dans les zoos, qui étaient auparavant que des lieux de divertissement. Maintenant, la conservation est devenue un argument souvent mis en avant par les parcs, au point de devenir la justification à l'existence des zoos. Et je pense qu'il y a une erreur là-dedans, car les associations anti-zoos le font bien remarquer : Si vraiment le but était uniquement la conservation, on créerait uniquement des élevages fermés (au moins déjà pour les établissements publics, et pour les privés ils pourraient être financés autrement.) Et je pense que l'on en vient presque à "oublier" que le zoo est un établissement qui accueille un public, voire que l'on a parfois honte de le mettre en avant.
C'est pour cela que personnellement, moi je me situerais plutôt dans l'optique de Gérard Galliot. Je vois davantage le zoo idéal comme un lieu où les personnes viendront découvrir le monde animal, le biotope dans lequel vivent les espèces... Et dans cette optique, je ne vois pas d'inconvénient à y présenter des espèces sans intérêt pour la conservation.

Et donc pour revenir à Vincennes, je le vois davantage dans cette optique. On pourra y découvrir la faune de plusieurs écosystèmes, dans des enclos rappelant le milieu d'origine. Et les milieux, je ne les trouve pas si mal choisis.
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Re: Le nouveau Vincennes 09/2011 - 04/2014 ?

Messagepar Philippe » Mardi 28 Août 2012 6:43

Les irréductibles du zoo de Vincennes

Après avoir frappé à la porte, il entre en prévenant, à haute voix, qu’il n’est pas seul. A l’intérieur, de drôles de créatures à long cou, curieuses comme des singes, têtues comme des ânes, bêtes comme des vaches et craintives comme des lapins. Une à une, il les salue : « Bonjour Agamie, bonjour Adège ! Salut Ulk, Ariane, Gounie... » Fabrice Bernard, le chef soigneur, s’avance devant les loges vitrées des girafes, l’enclos intérieur où elles passent la nuit. Il faut éviter les vêtements de couleur vive, avancer à pas de loup, ne brusquer aucun geste. Hier, Uzul est né. Les girafes se postent en éventail devant le petit. En protection.

Il n’y a pas si longtemps, enfin une éternité pour elles, les girafes vivaient sous l’œil des enfants, au milieu des cris, devant des dizaines de bras tendus dans l’espoir d’une caresse. Mais en 2008, le Parc zoologique de Paris, plus connu sous l’appellation de « zoo de Vincennes », a fermé pour cause d’installations vétustes. Un à un, les quelque 900 pensionnaires sont partis vers d’autres cieux, d’autres zoos. Sauf les lémuriens. Et sauf ces 16 Giraffa camelopardalis antiquorum ; les Grecs pensaient que les girafes résultaient de l’union entre un chameau et un léopard ! Ces 16 spécimens ­composent le plus gros groupe en Europe de cette sous-­espèce originaire du Soudan du Sud. « Ce sont des animaux grégaires, explique Fabrice. Cela aurait été difficile de les ­séparer. » Or, aucun autre zoo n’avait la capacité d’accueillir la bande de copines. Le Muséum national d’histoire naturelle, dont dépend le parc, a écouté soigneurs et vétérinaire : il a autorisé les girafes à rester pendant les six années de fermeture.

Le chantier de rénovation s’est alors organisé en fonction de ces dames. Autour de leur enclos extérieur, on a construit des palissades pour les protéger du bruit. « Elles ont assisté à leur mise en place, s’amuse Fabrice. Sinon, elles ­auraient refusé d’y revenir. » Mathieu Thore, 33 ans, l’un des huit soigneurs détachés auprès des girafes, raconte : « Elles ont peur de ce qu’elles ne connaissent pas. Si on laisse des outils au mauvais endroit, c’est la panique. Elles ont mis des ­semaines à se remettre des nouveaux extincteurs. » Ces élégantes ont le coup d’œil pour chaque détail, même minime, de leur environnement qu’elles maîtrisent sur le bout des onglons : toutes sont nées ici. Sauf Beny, le mâle reproducteur, venu des Pays-Bas. Car, pour éviter la consanguinité, synonyme de plus forte irritabilité, les mâles sont répartis dans les zoos d’Europe selon la généalogie des troupeaux.

Adeline s’approche de nous, altière. Haute de ses 5 mètres, sa démarche balancée fait oublier ses 800 kilos. Les experts disent qu’elle avance « à l’amble ». A la regarder se mouvoir sans bruit, les deux pattes du même côté se levant ou se baissant en même temps, on dirait qu’elle défile devant des hordes de photographes. « C’est la casse-cou du groupe », prévient Mathieu. Il y a quelques années, après avoir réussi à sauter le fossé, elle est allée vadrouiller dans les sentiers du zoo ! En souvenir, une mâchoire cassée, réparée par une broche. « Dès qu’une connerie est faite, on sait que c’est elle », rigole le soigneur. Le personnage de Melman dans « Madagascar » n’a rien à lui envier... Les troupeaux de girafes sont sans chef, mais Adeline a « tendance à faire la loi », dixit Mathieu. Elle est d’ailleurs la seule à oser des coups de tête aux soigneurs. A 16 ans, cette gourmande, déjà maman et à nouveau enceinte, continue de téter n’importe quelle girafe ayant du lait.

Ici, elles vivent trente ans, dix de plus qu'en liberté.


Mathieu a appris à différencier ces grandes filles, à reconnaître leur caractère et leurs traits physiques. Pour Adeline, les cicatrices. Pour les autres, la longueur de la queue, la forme et l’écartement des deux cornillons dressés au sommet du crâne, la couleur des taches sur le corps et les dessins qu’elles forment... Ainsi Agamie, du nom d’un oiseau d’Amérique du Sud, est la plus brune. A 29 ans, elle est aussi la plus âgée, celle qui calme ses camarades. Ici, les girafes vivent trente ans en moyenne, un tiers de plus qu’en liberté. Fille d’Agamie, la douce Gounie était, du temps des visites, la préférée des ­enfants. Pataude, elle se laisse faire ; mais, cauchemar des soigneurs, ne répond jamais aux ordres ! Elle est identifiable grâce à son drôle de pompon trônant sur le dessus de sa tête.

Dans l’enclos extérieur, chacune vaque à ses occupations. Essentiellement la recherche de bonnes feuilles. Guenièvre essaie d’attraper les plus hautes. Elle est la seule de ces dames à pouvoir les atteindre. Née femelle, elle n’a pourtant ni utérus ni ovaires. Sa grande hauteur et sa tête massive sont celles d’un mâle. Elle est ce qu’on appelle un « free-­martin ». Elle a hérité, dans le ventre de sa mère, des hormones d’un ­jumeau mâle qui n’a pas survécu. Ne pouvant procréer, n’étant pas ­sujette aux chaleurs bimensuelles de ses camarades, elle est devenue la « nounou » du groupe, tenant compagnie aux mères et surveillant les petits. Parfois, elle refuse qu’on lui retire un girafon qu’elle a coincé entre ses pattes dans l’espoir de réussir à le nourrir...

Non loin, la majestueuse et si têtue Ariane, le ventre plein, toise les visiteurs. Celle-là est reconnaissable par sa décoloration sur le dos et son mauvais caractère. Il y a aussi Romy, née il y a deux ans, vraiment petite, et le jeune Ulk, le miraculé de Vincennes, qui a survécu à une infection du cordon ombili­cal. « Pendant ses six premiers mois, il a été choyé, ­rappelle Mathieu. Du coup, il prend très mal que l’on ne s’occupe pas de lui. » Il est l’enfant gâté de la bande, le seul qui n’aime pas la barbotine, ce repas miracle, inventé à Vincennes, mélange d’eau chaude, d’avoine et d’orge, copié par les zoos du monde entier, qui remet sur pied en un rien de temps et rend le poil brillant. Ulk est l’opposé du gentil Beny, l’actuel reproducteur. Malgré son cycle naturel perturbé par des mois d’abstinence forcée, il est « une crème », dit Mathieu. Beny n’est autorisé à procréer qu’en hiver et au début du printemps pour que les girafons naissent en été, au terme de quinze mois de gestation.

A l’autre bout de l’enclos, le ballot rempli de luzerne est déserté. Pourtant, elle est servie à volonté. Et c’est de la bonne ! De la troisième coupe, la moins fibreuse et la plus feuillue. Les 25 tonnes livrées chaque trimestre sont vérifiées avec attention et sont parfois renvoyées quand elles ne correspondent pas aux desiderata des girafes. L’animal est exigeant. Limite chochotte. Et le dernier arrivage n’a pas eu beaucoup de succès. Pourtant, ces dames sont gourmandes. En liberté, une girafe mange quotidiennement entre 7 et 70 kilos de feuilles, selon les disponibilités. Ici, le repas est servi 4 à 6 fois par jour : 2 rations de barbotine, 1 kilo de ­carottes, 20 oignons, 10 kilos de bananes, 15 kilos de pommes et des granulés avec de l’avoine germée, qu’elles se partagent. De la qualité des repas dépend leur bonne santé.

A l’intérieur, Aurore s’approche, naseaux écartés, menaçante. Elle vient de mettre bas. Le jeune Uzul reste dans l’ombre de sa sœur Adège, 10 ans. Après une naissance, la mère et son petit ne sortent pas pendant plusieurs jours. Mais, cette fois-ci, ils ne sont pas seuls. « Aurore a développé une ­dépendance totale envers sa fille Adège, explique ­Mathieu. Elle ne supporte pas d’être séparée d’elle et ne s’occupe de son nouveau-né que quand elle est à ses côtés. Alors on les laisse ensemble. » Une mère abusive ! Mathieu s’amuse : « On a tendance à anthropomorphiser », à accorder à un animal des caractéristiques humaines. Trois semaines avant la naissance de son frère, Adège a commencé à produire du lait. Elle nourrit ainsi le fils de sa mère… « Elle est adorable, mais perturbée, confirme Mathieu. Elle alterne les moments de calme et d’affolement sans explication rationnelle. Elle peut refuser de sortir pendant des semaines. » On devrait dire têtu comme une girafe... Et, de l’avis de tous ceux qui les approchent, « il n’y a pas grand-chose à faire contre qui pèse 1 tonne » ! Personne n’est parfait.

« Lors de l’éclipse de 1999, la plupart des animaux ont cru que c’était l’heure de rentrer. Les girafes, elles, n’ont rien compris ! » se souvient Fabrice. Alexis Lécu, le chef vétérinaire, s’esclaffe : « Aucune n’aura de prix Nobel ! » Fabrice ajoute : « Comme tous les animaux sauvages, elles sont imprévisibles. Personne ne les a jamais domestiquées et, à l’inverse des éléphants, on n’a pas réussi à les monter. » Si la porte habituelle de l’enclos extérieur est fermée, elles n’utiliseront jamais la seconde ! Peureuses, elles ont leurs têtes. Malheur au soigneur qui leur déplaît : il ne pourra jamais entrer dans leur loge. « Sans qu’on sache pourquoi », confesse Mathieu. Pas faciles à comprendre, ces chéries...

Les girafes n’émettent aucun son, ne bâillent pas, dorment peu et communiquent entre elles par des balancements mystérieux, des mouvements des yeux, des oreilles, des naseaux... Côté qualités, ce sont les seuls animaux à pouvoir élaguer les arbres de grande hauteur ! Elles sont aussi capables de boire de l’eau au niveau du sol et d’élever leur tête à 6 mètres sans connaître de voile noir. « Nous avons encore beaucoup à apprendre d’elles, déclare le vétérinaire. En les étudiant, on comprendra mieux l’hypertension chez l’homme. » Leur cœur – 11 kilos – est la Rolls des mammifères, et leur système veineux et respiratoire ferait pâlir d’envie tout marathonien. Ou tout candidat à un voyage dans l’espace. Avec une peau très tendue sur l’os tout en gardant une circulation sanguine parfaite, les pattes des girafes ont servi de modèle aux combinaisons anti-G de la Nasa ! Alexis, le véto, rêve de pouvoir faire de ces girafes des mères porteuses, pour la descendance de leurs demi-sœurs menacées en milieu naturel.

Elles gardent un œil sur le va-et-vient des pelleteuses

A nouveau zoo, nouvelles expériences. Bientôt installé, le « tamer », ce petit couloir pour immobiliser les girafes, permettra de ne plus avoir à les anesthésier à la moindre écharde. Déjà, les soigneurs les entraînent à travailler pour éviter de devoir les endormir à chaque soin. Le chemin est long : une quarantaine d’étapes, à coups de barbotine, pour réussir à leur faire lever le pied... L’enjeu est vital : le prédécesseur de Beny, ­Valere, ne s’est pas remis d’une anesthésie pour raboter un onglon. Un problème cardiaque non détecté. Quand une girafe trépasse, elle est confiée au Muséum d’histoire naturelle pour autopsie, mais aussi pour mesurer ses organes, comprendre l’évolution du tube digestif avec les années... Les plus belles sont envoyées au service de taxidermie et empaillées.

En attendant, tête haute, les girafes gardent un œil sur le va-et-vient des pelleteuses. De vraies inspectrices des travaux, aux premières loges de cet immense chantier de 167 millions d’euros. Le 6 décembre prochain, elles quitteront leur enclos pour un autre, trois fois plus vaste, équipé d’un bassin, d’une végétation plus proche de leur milieu naturel, d’un sol différent et de nombreux abris extérieurs. Treize mille mètres carrés pour dégourdir leurs longues jambes. Ce jour, un transporteur les chargera une à une pour les emmener sur le nouveau site, à 500 mètres de là. Ne reste qu’un problème à résoudre : Ulk, l’enfant gâté, refuse d’entrer dans le sas qui conduira au camion. Le zoo doit rouvrir ses portes en 2014. Alors les 16 girafes de Vincennes retrouveront leur public. Les cris et les caresses des enfants. Elles doivent détester ce vacarme. Mais en silence. Ces grandes dames sont si polies...

Carole Fontaine

Source : http://www.parismatch.com/Actu-Match/En ... es-422077/
Biofaune : l'actualité de la conservation in & ex situ : http://biofaune.canalblog.com - www.facebook.com/biofaune
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Re: Le nouveau Vincennes 09/2011 - 04/2014 ?

Messagepar yeti » Mardi 28 Août 2012 9:26

Merci beaucoup pour ces nouvelles fraiches de notre cher ancien et futur Zoo de Vincennes !
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Re: Le nouveau Vincennes 09/2011 - 04/2014 ?

Messagepar yeti » Jeudi 30 Août 2012 12:07

si je peux me permettre une petite question concernant nos chères girafes, je ne vois nulle part mention de cette sous-espèce "antiquorum", en tous cas dans ma bibliothèque; ni dans le "Monde Animal" de Bernard Grzimeck, ni dans le Guide Delachaux des Mammifères d'Afrique (j'ai les deux guides, celui de 1973 je crois, et celui de 1985.
Y a-t-il un synonyme à ce nom ?
Sinon, les espèces du Sud-Soudan font bien partie du groupe dit des "Girafes du Nord" ?
Merci
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Re: Le nouveau Vincennes 09/2011 - 04/2014 ?

Messagepar Bombyx » Jeudi 30 Août 2012 12:54

D'anciennes études sur les sous-espèces girafes ont amené certains chercheurs à remettre en cause le statut distinct de G. c. peralta et de la girafe de Kordofan (G. c. antiquorum'). Les tests génétiques publiés en 200724 ont confirmé le caractère distinctif de la girafe du Niger. Une de ces publications a révélé des résultats qui montreraient qu'il pourrait y avoir au moins six espèces cryptiques de girafe qui sont isolées de façon reproductive et ne se métissent pas, même si aucun obstacle naturel, comme des chaînes de montagnes ou des rivières infranchissables ne bloquer leur accès mutuel. En fait, l'étude a révélé que les deux populations de girafe qui vivent le plus près l'une de l'autre, la girafe réticulée (G. C. reticulata) au nord du Kenya, et la girafe Masaï (G. c. tippelskirchi) au sud du Kenya, sont séparées génétiquement depuis entre 0,13 et 1,62 millions d'années, à en juger par la dérive génétique dans l'ADN nucléaire et mitochondrial.

La plupart des girafes en captivité originaires de l'Afrique du nord-ouest se trouvent dans les parcs zoologiques français, en raison de l'histoire du colonialisme français dans ce qui était l'Afrique occidentale française. Ces girafes étaient autrefois considéréess comme G. c. peralta. Depuis que les analyses génétiques ont révélé que seules les girafes vivant à l'ouest du lac Tchad appartiennent à cette sous-espèce, les populations des zoos européens se révèlent en fait être des girafes de Kordofan.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Girafe_du_Niger
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