L'animal semble cultiver le mystère. Mais après enquête, force est de constater que sa présence ne relève pas de la légende urbaine: la loutre est bien parmi nous et n'hésite pas à fréquenter le coeur de la ville lorsqu'elle en a l'opportunité.
Enquêter sur la présence de la loutre dans la cité de la Plomée, c'est un peu comme partir à la chasse au dahu... Si des témoignages attestent de sa présence, ici et là, les spécialistes ne sont pas dupes: «Il s'agit la plupart du temps de visons ou de ragondins. Les gens ne savent pas vraiment faire la différence, indique Josselin Boireau, du Groupe mammalogique breton (GMB). La loutre d'Europe affectionne particulièrement la discrétion et ne sort généralement que la nuit. Elle est, de ce fait, très difficile à observer».
Aperçue l'été dernier à Sainte-Croix
Pourtant, les archives de l'association comportent bien des relevés de traces du mustélidé (épreintes, empreintes, reliefs de repas) sur deux sites guingampais : le pont de l'ancienne gendarmerie et le château des Salles, à Sainte-Croix. Mais ces derniers datent de 2004 et 2009. Depuis, aucune observation n'a été officiellement déclarée. Thierry Corbel, pompier à Guingamp, habite Sainte-Croix. Interrogé sur le sujet, il apporte un témoignage plus récent : «Notre maison est située près du pont, elle est entourée par la rivière. Des ragondins, on en voit souvent, on sait les reconnaître, d'autant que mon épouse a été éducatrice en milieu marin. Mais une nuit, l'été dernier, on a aperçu une silhouette longiligne sur la berge, caractéristique de la loutre. Elle nous a vus et elle est partie aussitôt. C'était un moment exceptionnel. Nous habitons cet endroit depuis 2001 et c'est la seule fois que nous avons pu en observer une».
Une histoire avec l'homme tourmentée
La rareté et la discrétion de cet élégant carnivore trouvent leur origine dans les relations que l'homme a entretenues avec lui pendant des siècles: «À la fin des années 70, l'espèce avait été amenée au bord de l'extinction à cause du piégeage intensif. Il n'en restait alors que dans le Golfe du Morbihan et le Centre Ouest Bretagne. Callac est d'ailleurs un bastion historique de l'espèce. Grâce à la première loi de protection des espèces, en 1976, la population de loutres s'est progressivement étoffée. Depuis 1992, cet animal a également été déclaré espèce d'intérêt communautaire», explique Josselin Boireau.
Des traces de moins de quinze jours
Aujourd'hui, si elle privilégie la tranquillité et se tient à distance de son ennemi d'antan, la loutre, qui est aussi une «petite opportuniste», ne se prive pas de fréquenter les zones urbaines lorsque celles-ci lui offrent le gîte et le couvert. Ainsi, hier après-midi, Laurent Mercier, administrateur du GMB et spécialiste de la loutre, nous a permis de relever, sous les arches du pont qui enjambe le Trieux au niveau des jardins familiaux, des traces indiscutables de sa présence en ville: des empreintes à l'étonnante (et pas désagréable) odeur de miel et de poisson séché, ainsi qu'une multitude d'empreintes de moins de quinze jours. La qualité des berges de
la ville, dont la végétation et l'aspect sauvage ont été préservés, n'est sans doute pas étrangère à l'intérêt que leur porte ce sympathique voisin.
Virginie Chenard
Source : http://www.letelegramme.com