"Les dragons sont prêts à tout pour manger"
Dans les années 1990, Albert Visage, cofondateur de l'agence BIOS, parcourt l'Indonésie. Au cours de son voyage, il se rend sur l'île volcanique de Komodo, à la rencontre de ses célèbres habitants tout en griffes et en écailles.
Comment imaginiez-vous les varans avant votre voyage ?
Je ne les connaissais pas du tout, mais je m'imaginais des reptiles bien plus sanguinaires... Leur façon de chasser est si impressionnante, lorsqu'ils tuent leur proie et l'abandonnent. Celle-ci meurt de septicémie en quelques jours. Ils ne profitent pas toujours de leur "butin", mais continuent à chasser ! Or les dragons de Komodo, s'ils sont des prédateurs impitoyables, sont inoffensifs pour l'homme... tant que celui-ci ne porte pas l'odeur de viande pourrie...!
Avez-vous eu le loisir d'observer leur mode de vie ?
Oui, car c'était aussi l'objectif de ce reportage-photos. Nous avions par exemple placé une chèvre morte en haut d'un arbre. L'un des dragons n'a pas hésité à se placer sur ses pattes arrière et à grimper sur le tronc pour dévorer ce festin alléchant. Les animaux sont prêts à tout pour manger, c'est extrêmement étonnant.
Qu'est-ce qui vous fascine le plus chez ce reptile ?
On dit tellement de chose sur le varan de Komodo... En réalité, je voulais le connaître vraiment, sans les légendes burlesques qui l'entourent, et me rendre compte par moi-même de sa férocité légendaire. Les populations de pêcheurs qui vivent sur les Komodo racontent qu'une personne s'est faite mordre, qu'une scientifique a disparu dans des conditions mystérieuses... Toutes ces rumeurs attisent la curiosité, et donc les touristes. Je voulais vérifier si ce que l'on racontait correspondait bien à la réalité.
N'avez-vous jamais eu peur face à ce prédateur ?
Non, je n'ai jamais eu peur. Je ne me suis jamais fait attaqué. Je me suis même une fois endormi, et lorsque je me suis réveillé, un dragon dormait près de moi. Je me souviens même lui avoir mis mon chapeau sur la tête ! Et j'étais toujours accompagné, par des collègues scientifiques, ou par les gardes du Parc National de Komodo.
Aujourd'hui et après tous les voyages que vous avez effectués, quel animal rêveriez-vous de photographier ?
Je ne peux plus voyager, car j'ai eu quelques problèmes de santé. Je ne suis plus tout jeune, et je me consacre à la sculpture animalière à partir de matériaux de récupération. Avec le recul, c'est vrai que j'aurais bien aimé photographier les grands prédateurs, comme le tigre de Sibérie... Mais les varans, cela n'est déjà pas si mal !
Quelques photos des varans sur l’île de Komodo (Photos © Albert Visage)











