New Delhi Correspondance - Plus de 350 habitants ont quitté leur village d'Umri dans le Rajasthan, pour laisser place aux tigres menacés d'extinction. Ce déménagement peu ordinaire a été facilité par les autorités indiennes, qui ont proposé aux 85 familles des compensations financières et des terres cultivables dans un autre village situé à une quarantaine de kilomètres. "Elles ne possédaient aucun titre de propriété et vivaient essentiellement de l'élevage. Les offres ont été jugées très attractives", souligne Raghuveer Singh Shekhawat, l'un des responsables du parc naturel Sariska, où habitaient les villageois. Chaque famille déplacée va ainsi recevoir entre 9 000 et 18 000 euros de compensation, et pour certaines d'entre elles jusqu'à trois hectares de terre.
La survie des tigres, dont la moitié de la population mondiale se trouve en Inde, est menacée par la réduction de leur zone d'habitat. Pour la première fois, le ministère indien de l'environnement a annoncé, en 2011, une augmentation de leur population. Ils ne seraient toutefois que 1 700, loin encore des 100 000 recensés il y a un siècle. "La population des tigres augmente, alors que leur habitat est menacé par les constructions et les exploitations minières illégales", déplore Dharmendra Khandhal, responsable de l'ONG Tigers watch, basée au parc naturel de Ranthambore qui abrite 43 tigres, alors qu'il ne peut en contenir que 30. Les félins sont donc plus nombreux à sortir de leurs réserves, menaçant les habitants aux alentours et leurs troupeaux. En 2010, ils ont tué 25 villageois. Et, pour se protéger, les habitants empoisonnent les tigres.
Colliers électroniques
Les espaces dédiés aux félins sont encore plus réduits depuis que les corridors reliant les réserves naturelles sont peu à peu détruits par la déforestation. Le gouvernement n'a donc plus d'autre choix que de déplacer des villages pour augmenter les superficies des réserves.
Mais il est rare que des villageois acceptent de quitter leurs terres aussi facilement. A cet égard, les tigres de la réserve de Sariska ont eu plus de chance que les industriels, qui se heurtent régulièrement au refus des villageois de céder leurs terrains pour la construction d'usines ou l'exploitation de mines. Au Rajasthan, où la terre disponible est rare et coûteuse, le gouvernement a décidé de convertir des zones forestières protégées en zones habitables. Les terrains nouvellement convertis seront irrigués et des routes seront construites. Les agriculteurs recevront de l'aide pour leurs cultures.
C'est la deuxième fois qu'un village du parc de Sariska est ainsi déplacé pour sauver les tigres de l'extinction. "La réussite de cette opération va faciliter le déplacement de dix autres villages des environs", espère Raghuveer Singh Shekhawat. Près de 5 000 hectares de terre vont être libérés pour les tigres de la réserve et les autorités espèrent réintroduire deux tigresses et un tigre d'ici à deux ans. Ils sont déjà cinq félins à y vivre, et deux d'entre eux se sont empressés de visiter les lieux laissés vacants par les villageois.
Les gardes forestiers les suivent à la trace 24 heures sur 24, grâce à leurs colliers électroniques. Ce tiger sitting permet d'alerter les habitants si des félins s'approchent trop près de leurs habitations et surtout de lutter contre le braconnage. Car les tigres sont très recherchés en Chine et dans les pays d'Asie du Sud-Est pour leur peau, leurs os et leurs organes. Les gardes forestiers indiens travaillent déjà avec les communautés locales, pour les alerter sur la présence de braconniers, mais ils manquent d'équipement et de formation. "Ils sont sous-armés et moins nombreux que les braconniers. Plusieurs cas de meurtres et d'attaques de gardes forestiers ont été recensés", précise la Société indienne de protection de la faune (WPSI). En 2011, le nombre de tigres tués par des braconniers a cependant diminué de 60 %.
Julien Bouissou
Source : http://www.lemonde.fr/sciences/article/ ... 50684.html