Par Florence Perret - Mis en ligne le 13.01.2010 à 14:51
FEU! Des hordes de chasseurs, trois dizaines de «varg», une autorisation de tir exceptionnelle et un zeste de neige: la folle chasse au loup a atteint sa cible.
Sans la neige, le prédateur s’en serait mieux sorti et les 12 000 chasseurs à l’affût – 45 ans qu’ils attendaient ça – auraient dû faire montre de beaucoup plus de patience pour parvenir à leurs fins. Mais, par la grâce de Ull, dieu de la chasse et de l’hiver, les flocons sont arrivés à temps et les hommes n’ont eu qu’à suivre les traces, à pas de loup, lestés de plomb, pour traquer la bête et tirer. «Des conditions, oui, excellentes», se réjouit Christina Nilsson-Dag à la Svenska Jägareförbundet (SJ), l’association des chasseurs suédois qui regroupe 200 000 des 300 000 amateurs du pays.
Les loups sont entrés dans Stockholm. La Suède n’avait plus autorisé pareil carnage depuis l’hiver 1965-1966, lorsque le dernier loup avait été tiré. Protégé, depuis lors, sur le territoire, le varg avait fini par réapparaître une dizaine d’années plus tard en provenance de Finlande, puis de Norvège avant de reprendre du poil de la bête jusqu’à «augmenter sa population de 20% chaque année depuis cinq ans», précise le chasseur Torbjörn Lovbom, président de la SJ. Et si la majorité des quelque 250 loups de Suède vivent «principalement au centre du pays», observe Björn Ljunggren de l’Association suédoise des grands carnivores, certains ont débordé ici et là, jusqu’à pénétrer dans les banlieues de Stockholm.
Ce n’est pourtant pas leur dérive près de la capitale qui explique la décision de tirer 27 d’entre eux. Côté chasseurs – accusés notamment par Mikael Karlsson, président de la Société suédoise de conservation de la nature, de faire passablement de «lobbying» auprès des autorités – on avance trois explications: «Ils tuent beaucoup d’élans (130 par meute et par année), mais aussi des moutons (185 têtes en 2008) et des chiens de chasse (30 en 2009); leur statut génétique est mauvais, il faut de «nouveaux venus»; et puis les gens dans la campagne sont inquiets de leur présence», liste Christina Nilsson-Dag. Des arguments qui font s’étrangler les pro-loup: «20 pays européens ont une plus grande densité de loups que la Suède!», lance Mikael Karlsson. «Non, la vraie raison, renchérit Björn Ljunggren, c’est que les chasseurs n’aiment pas les carnivores car ils leur font concurrence dans la chasse aux rennes et aux chevreuils notamment et que le gouvernement n’a pas été en mesure de résister à la pression de leurs très puissantes organisations.» Pu ou voulu... «Un grand nombre des députés (à l’instar du roi Carl Gustav XVI, ndlr) sont des chasseurs eux-mêmes», éclaire l’ancien président de l’Association suédoise des grands carnivores qui poursuit: «10 à 15 personnes sont tuées chaque année en Suède lors de collisions avec des élans. L’an dernier, l’un d’eux a même attaqué et tué une femme. Les chasseurs (et le gouvernement) ont-ils pour autant décidé de réduire leur population de 300 000 à 200 têtes?»...
Non. Mais l’autorisation de tirer 27 loups durant la période du 2 janvier au 15 février 2010 a en revanche été donnée. Six semaines durant lesquelles les chasseurs étaient autorisés à pister les bêtes, à pied mais également «en voiture et en motoneige», nous apprend Björn Ljunggren. Une chasse difficile, le loup n’est non seulement pas une proie commode mais, en plus, «la génération actuelle de chasseurs n’est pas habituée à le chasser, c’est compliqué», dit Christina Nilsson-Dag. Du moins, ça l’aurait été s’il n’avait pas neigé. Le manteau blanc a rendu la traque aisée. Et puis, les loups se sont montrés plus attendus que prévu en se «comportant presque comme des renards».
L’homme est un loup pour le loup. Les chasseurs ne les ont pas loupés. En deux jours, 23 des 27 loups étaient tués. Trois jours plus tard, le quota était même dépassé. «Oui, se désole le président de la Société suédoise de conservation de la nature, au moins dans une région car durant la chasse, les agences et les chasseurs n’avaient aucun contrôle sur le résultat total.» «Faux!» répond le président de la SJ. «Si un loup était tué, le chasseur avait une heure pour en informer la police qui décidait de l’arrêt de la chasse.» Et Christina Nilsson-Dag de renchérir: «Pourquoi serait-il préférable d’étaler une chasse sur des semaines si on peut le faire en quelques jours?»
Et l’an prochain, qu’adviendrat- il si la population dépassait à nouveau les 20 meutes ou 210 individus? Une nouvelle chasse se tiendra-t-elle? «Oui, probablement si nous ne sommes pas en mesure de l’arrêter», dit Björn Ljunggren qui annonce le dépôt d’une plainte auprès de l’UE pour le viol de la directive habitats faune flore.


cet article vient du très bon journal suisse "l'hebdo"
http://www.hebdo.ch/suede_on_acheve_bie ... 2427_.html