25 janvier 2007
Le manchot, un oiseau qui se prend pour un poisson
Guy Clavel
Agence France-Presse
Base Dumont d'Urville, Terre Adélie

Des manchots Empereur à Dumont d'Urville. Photo AFP
Le manchot, tel l'Empereur et l'Adélie vivant près de la base française de Dumont d'Urville en Antarctique, est un oiseau qui ne vole pas, se dandine maladroitement sur terre, mais évolue dans l'eau avec la même aisance qu'un poisson.
«Il n'est pas normal pour les oiseaux de mer tels que les manchots d'être à terre», remarque Yves Cherel, directeur de recherche en écologie au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) de Chizé, dans le centre de la France). En fait, ils ne sont à terre que pour se reproduire et muer».
Dumont d'Urville, souligne-t-il, est véritablement une oasis pour les oiseaux de mer en général (pétrels, fulmars...), et le manchot Adélie en particulier : la côte offre des rochers à nu qu'ils utilisent pour faire leur nid. Le manchot Empereur, lui, préfère la glace.
Parfaitement adaptés aux milieux terrestres et aquatiques où ils vivent, les manchots - 17 espèces - pourraient avoir évolué d'oiseaux ressemblant à des goélands, ou d'un genre de pétrel de l'ère Eocène (40 à 50 millions d'années). De la famille des Sphéniscidés, ils seraient passés par une phase où ils pouvaient nager et voler, comme les pingouins (famille des Alcidés).
Sur la glace ou les rochers, ils déambulent avec gaucherie ou glissent sur le ventre. Dans l'eau, leurs pattes partiellement palmées permettent à certains Adélie d'atteindre des vitesses de 25 km/h.
Pour pêcher, ils descendent régulièrement à quelque 100 - 150 m de profondeur pour l'Empereur, et 30 à 40 m pour l'Adélie. Mais les records enregistrés pour l'Empereur ont été de 560 m de profondeur, et 21 minutes d'immersion, note Yves Cherel.
Ils voient très bien sous l'eau alors qu'ils sont naturellement myopes. Dotés de puissantes mandibules, ils mangent céphalopodes, poissons ou krill, qu'ils sont capables de régurgiter quelques jours après, parfaitement conservés grâce à leurs sécrétions gastriques.
L'ouïe des manchots est quant à elle nécessairement très développée : après être partie pêcher pendant des semaines, la femelle doit en effet retrouver son partenaire et son poussin au milieu d'une foule compacte. Alors ils coincouinent et roucoulent pour s'identifier, selon l'expression d'un des premiers hivernants français en Terre Adélie, en 1952, Mario Marret.
«Chaque indivu a un chant, une signature vocale, différente et reconnaissable», ainsi qu'une oreille sélective lui permettant de reconnaître le chant de son partenaire, explique Yves Cherel.
Le manchot Adélie, le plus nombreux en Terre Adélie avec une population estimée à 44 000 couples, mesure 75 cm, avec un poids de 5 kg en moyenne. Il pond deux oeufs et construit un nid de galets posés en cercle sur le sol.
Le manchot Empereur - 1,20 m en moyenne pour un poids de 30 à 40 kilos - ne pond qu'un oeuf, que le mâle fait incuber sous un repli de chair. Sa population à Dumont d'Urville est estimée à 2700 couples, et reste stable.
Mais il revient de loin : «Lors d'une période de réchauffement de 4 à 5 ans à la fin des années 70 et au début des années 80, sa population a diminué de moitié, passant de 6000 couples à 3000», raconte le scientifique.
Le réchauffement avait empêché la formation de la glace de mer, indispensable au développement du krill dont se nourissent en partie les manchots.
