Qu'une espèce disparue resurgisse de temps à autre, surprise en flagrant délit d'existence, dans quelque contrée sauvage et lointaine, cela peut s'entendre. Mais qu'un phénomène similaire se produise en France, et ce, non pas avec un parasite microscopique ou un insecte mimétique, mais avec un grand carnivore, la chose est déjà plus surprenante. Et pourtant, c'est bien ce qui pourrait s'être passé avec le lynx dans les Pyrénées.
D'après l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), le lynx boréal a disparu du territoire hexagonal au XXe siècle, les dernières dépouilles ayant été rapportées dans les années 1930. Réintroduite dans les années 1970 dans l'est de la France, l'espèce prospère désormais dans les Vosges, les Alpes ou le Jura. Mais pas dans les Pyrénées, où le lynx est toujours considéré comme éteint. « Ce qui n'est pas le cas, a affirmé Christian Riols, lors des premières Rencontres naturalistes de l'Aude, qui se sont tenues en octobre à Carcassonne. Le lynx est indéniablement présent dans les Pyrénées. Il pourrait même n'avoir jamais disparu de ce territoire. » A l'appui de ses dires, des observations personnelles et des témoignages remontant, pour certains, aux années 1960, soit bien avant les premières campagnes de réintroduction.
Localiser et abattre les prédateurs
Naturaliste et ancien agent de l'Office national de la chasse, Christian Riols a beaucoup travaillé sur le régime alimentaire des carnivores. Envoyé dans l'Aude en 2001, il observe, en 2004, les empreintes d'un lynx adulte accompagné d'un jeune. En 2005, rebelote, dans le même secteur, avec les traces d'un adulte. Il se pique alors au jeu : à chaque fois qu'il entend parler d'un lynx observé, il remonte la rumeur et s'entretient avec les personnes ayant vu l'animal. « Ces individus sont de tout type : fonctionnaires, étudiants, chasseurs, naturalistes. Certains ont même vu des jeunes jouer pendant de longs moments, ce qui trahit la présence d'une population et non d'un individu isolé. »
Ce que l'ONCFS ne confirme pas : « Les quelques indices que nous possédons sont insuffisamment documentés. Seule la présence ponctuelle d'un individu a été attestée par une photographie prise dans l'Aude, en 2012, aux environs de Narbonne, sans autres éléments récurrents, ni possibilité de connaître l'origine de l'animal », explique Pierre-Emmanuel Briaudet, du réseau loup-lynx de l'ONCFS pour la région Rhône-Alpes. « Dans les Pyrénées, nous avons près de 80 correspondants formés à la reconnaissance des traces de loup et de lynx, complète Alain Bataille, qui s'occupe du réseau sur les Pyrénées. Chaque hiver, nous leur proposons des itinéraires à parcourir et nous n'avons jamais rien trouvé. » Ni traces, ni crottes, ni carcasses.
« S'il y a des preuves plus étayées de présence, pourquoi ne nous transmet-on pas les données ? », s'étonne Alain Bataille. « Parce que ces informations ne doivent pas tomber entre de mauvaises mains », confie Christian Riols. Une réaction surprenante, qui trahit le divorce à l'oeuvre entre le réseau loup-lynx de l'ONCFS et la communauté des naturalistes.
Le 2 octobre, Ferus, l'association pour la conservation de l'ours, du loup et du lynx, demandait à tous ses adhérents de ne plus transmettre les données d'observation au réseau loup-lynx, la crainte étant que ces informations soient utilisées pour localiser et abattre les prédateurs.
Pourtant, en l'état, seul un partage des données, voire une étude menée en bonne et due forme, pourraient permettre de confirmer ou non la présence dans les Pyrénées de lynx, voire de la dernière population relictuelle de lynx d'Europe de l'Ouest.
Source : Le Monde
Et même si Le Monde reste une, voire "la", référence, écrire et affirmer que
l'espèce prospère désormais dans les Vosges
s'avère un tantinet osé lorsqu'on sait que, précisément, l'avenir du lynx, dans les Vosges, est plus que préoccupant...