Le réchauffement déboussole-t-il les baleines ?

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Le réchauffement déboussole-t-il les baleines ?

Messagepar Philippe » Lundi 20 Mai 2013 8:42

Les biologistes n'en reviennent pas. Dimanche 12 mai, une baleine grise a été aperçue au large de la Namibie. Chassée massivement au XVIIIe siècle, cette espèce avait complètement disparu de l'océan Atlantique depuis deux siècles. Aujourd'hui, elle vit exclusivement dans l'Arctique ou dans le nord du Pacifique et ne s'aventure jamais au sud de l'équateur. Pourtant, les scientifiques du Namibian Dolphin Project sont formels : l'animal qu'ils ont photographié dans la bien nommée baie de Walvis ("baie des baleines") est sans conteste une baleine grise.

Troisième individu égaré en trois ans

"A cet événement exceptionnel, on trouvera sans doute une explication exceptionnelle", s'enthousiasme Olivier Adam, acousticien spécialiste des baleines à l'université Paris-Sud. A moins qu'il ne s'agisse d'un phénomène plus général. Car si la baleine grise de Walvis est la première rencontrée dans l'hémisphère sud, il s'agit en réalité du troisième individu de cette espèce aperçu à des milliers de kilomètres de son milieu naturel, depuis 2010.

Cette année-là, une autre baleine grise, observée le long des côtes israéliennes, avait créé la surprise par sa présence en Méditerranée. L'an dernier, c'est dans l'Atlantique, au large du Canada, que ce cétacé de 14 m de long a été identifié au milieu d'un groupe de baleines à bosse. Simples accidents de parcours ou symptômes de bouleversements environnementaux, les scientifiques s'interrogent sur le sens à donner à cette série d'égarements.

Le signe que la population augmente ?

L'événement peut être perçu comme un signe positif. Celui du rétablissement d'une espèce qui a frôlé l'extinction au début du siècle dernier. En effet, "la dispersion d'individus tels que celui de la baie de Walvis peut être la conséquence d'une augmentation de la population, explique Christophe Guinet, chercheur spécialiste des cétacés au CNRS. La pression sur les ressources alimentaires devient plus forte et les jeunes vont explorer d'autre territoires".

De fait, avec désormais plus de 20 000 individus, la population de baleines grises orientales s'est reconstituée. Mais, après une croissance annuelle de 2,5 % de 1967 à 1996, elle semble, depuis quelques années, s'être stabilisée. Quant à sa cousine, la baleine grise occidentale, elle ne compte qu'une centaine d'individus et est toujours inscrite comme en danger sur la liste rouge des espèces menacées. Pour élucider le mystère de la baleine voyageuse, l'hypothèse de l'explosion démographique semble donc écartée.

Modification des écosystèmes

L'explication est donc ailleurs. Du côté du réchauffement climatique, peut-être. Chaque année, les baleines grises migrent pour rejoindre la mer de Béring, garde-manger subarctique de nombreux animaux marins. Or, selon la publication Recherches Polaires du CNRS, sous l'effet du réchauffement, cet écosystème est en train de changer. "Plusieurs études ont mis en évidence une baisse de la productivité du benthos [ensemble des organismes vivant sur le fond des océans] au nord de la mer de Béring au cours des vingt dernières années, constatent les chercheurs. Cette diminution des ressources alimentaires pourrait entraîner une réorganisation géographique des populations." Et, selon M. Guinet, "favoriser les dispersions".

Le recul des glaces ouvre de nouvelles routes

C'est donc en cherchant de nouvelles sources d'alimentation que la baleine de Walvis aurait pu s'égarer. Une errance également facilitée par le recul des glaces saisonnières. "Les baleines ont besoin de remonter régulièrement à la surface pour respirer", rappelle M. Guinet. Par conséquent, l'arrivée aux glaces de l'Arctique marque habituellement la fin de leur migration. Or, avec les brèches ouvertes par le recul des glaces saisonnières, "il est tout à fait imaginable qu'un individu ait trouvé de nouvelles routes et ait ainsi perdu ses repères", affirme le chercheur.

En attendant d'en savoir plus – notamment si des tests génétiques sont réalisés sur l'animal, ce qui permettrait de préciser sa provenance –, le chercheur reste prudent. "Il se peut aussi que cet événement soit complètement fortuit, dit-il. Un individu qui se perd, cela se produit chez toutes les espèces."

Sur le blog du Namibian Dolphin Project, John Paterson, membre de l'équipe qui a photographié la baleine grise, relativise également : "Cet animal a pu arriver là en contournant l'Afrique du Sud ou en traversant l'Atlantique, mais pour l'instant, personne ne peut le dire." Pourtant, dans le Guardian, certains chercheurs spéculent déjà sur le retour du "poisson diable", ainsi que le nommaient les baleiniers, à ses anciennes routes migratoires.
A.M.

Source : http://www.lemonde.fr
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