A l’occasion des 15 ans de la Vallée des singes, son directeur Emmanuel le Grelle mesure le chemin parcouru et le succès jamais entamé du parc poitevin devenu depuis une référence européenne.
14 juillet 1998. La météo un peu fraîche n'a pas arrêté les visiteurs. Ils sont près de 2.500 à se presser sur les chemins justes tracés de la Vallée des singes qui ouvre ses portes pour la première fois ce mardi. « Certains terrains étaient boueux, il y avait peu d'arbres et moins d'une vingtaine de personnes travaillaient sur le parc. Ce jour-là, nous avons été assez rapidement débordés », se souvient Emmanuel le Grelle, directeur de la Vallée des singes. Pourtant, les meilleurs spécialistes ont présidé à la naissance de ce parc animalier poitevin.
Des spécialistes des primates venus des Pays-Bas
« Quand le conseil général, initiateur du projet à l'époque m'a mis aux commandes du site, j'ai fait appel à Wim Mager, fondateur et directeur du parc aux primates d'Apenheul aux Pays Bas, et à son directeur technique et zoologique, Jan Vermeer qui ont accepté de relever le challenge. » Grâce à leurs réseaux et à leurs expériences, la Vallée se veut un parc au concept nature, respectueux de l'environnement mais surtout du bien être des animaux. 18 espèces de singes, dont déjà les gorilles, y sont présentés dès l'inauguration. « Il s'est écoulé moins d'un an entre le premier coup de pelle du chantier et l'ouverture mais nous nous sommes accrochés à ce projet avec peut-être quelquefois une part d'inconscience. »
Une inconscience qui paye. Quinze ans après, la Vallée des singes accueille 180.000 visiteurs par an et présente une trentaine d'espèces de primates. Les naissances s'y succèdent, même au sein de variétés ou d'individus dont la reproduction semble difficile voire impossible.
Le plus grand groupe de bonobos
« Ce qui est gratifiant, c'est qu'aujourd'hui au niveau européen, la Vallée des singes est une référence en matière de parc animalier. Nous sommes également partenaires du programme d'élevage des gorilles et avec 17 individus, nous détenons actuellement le plus grand groupe de bonobos en captivité. Au-delà d'être un simple site de loisirs, le parc a pour vocation d'être un site de sensibilisation et de protection de la nature et des primates », reprend Emmanuel le Grelle. Juste à l'âge de l'adolescence, la Vallée des singes n'a déjà pas besoin qu'on lui apprenne à faire la grimace.
15 ans d'histoire
> 1998 : ouverture de la Vallée des singes
> 1999 : naissance de Badongo premier bébé gorille du parc. La tempête de décembre fait chuter 400 arbres du parc.
> 2000 : arrivée des titis
> 2001 : naissance d'un titi, une première en Europe. Arrivée des mandrills.
> 2002 : arrivée des geladas.
> 2003 : création des ateliers pédagogiques. Naissance de 16 bébés saïmiris.
> 2004 : deuxième extension du parc. Arrivée des chimpanzés.
> 2005 : naissance du premier bébé gelada. Le parc obtient le label Qualité Vienne et Tourisme et handicap.
> 2006 : arrivée d'atèles à face rouge.
> 2007 : début du projet « titi ». Arrivée du tamarin lion à tête dorée.
> 2008 : naissance des jumeaux ouistitis argentés.
> 2009 : année internationale du gorille.
> 2010 : agrandissement du bâtiment des gorilles. Nouveau territoire pour les magots.
> 2011 : aménagement d'une nouvelle île pour accueillir les bonobos.
> 2012 : naissance des deux premiers bonobos en France.
> 2013 : la Vallée des singes fête ses 15 ans et détient le plus grand groupe de bonobos au monde.
Emmanuel le Grelle : l'homme qui murmure à l'oreille des singes
Directeur général du parc de Romagne depuis quinze ans, Emmanuel le Grelle fait prospérer son entreprise sans jamais perdre de vue le bien être de ses animaux.
Jusqu'à l'âge adulte, des animaux, Emmanuel le Grelle, ne connaissait que ceux de la ferme familiale de ses parents en sud Charente. Il possède néanmoins quelques tortues et apprivoise successivement une pie et un corbeau tombés du nid un peu trop tôt. Mais parce qu'il ne s'imagine pas ailleurs que dans la nature, il suit à Angers une formation d'ingénieur agronome au cours de laquelle il rencontre le président de l'office national de la chasse (Onc), qui lui propose rapidement la direction de la Forêt des singes de Rocamadour dans le Lot.
Six mois de formation aux primates
« Je ne connaissais rien aux primates, je suis donc parti en formation six mois dans un parc alsacien avant de m'installer dans le Quercy. » Pendant les cinq années suivantes, il présidera donc de la destinée de la centaine de magots qui vivent dans le parc lotois.
« Début 1996, j'ai reçu la visite d'Hugues Lallemand du Conseil général de la Vienne, qui souhaitait subventionner la création d'un parc animalier thématique dans le sud Vienne. Il voulait que j'en prenne la direction. » La fougue de la jeunesse ne le fait pas hésiter plus d'un instant et Emmanuel le Grelle accepte ce nouveau challenge tout en imposant un modèle de parc à l'image de celui d'Apenheul aux Pays Bas ou le bien être des primates est primordial. Grâce à l'expertise de spécialistes néerlandais, la Vallée des singes voit le jour en moins de deux ans, durant lesquels le jeune homme assure la fonction de directeur du Château des aigles à Chauvigny.
En 1998, les 80.000 visiteurs de cette première demi-année d'activité confortent Emmanuel le Grelle dans la viabilité du parc animalier romagnon dont il fait une entreprise privée en 2011 par le rachat du foncier qui jusque-là était propriété de la communauté de communes de la région de Couhé.
Jamais loin de son parc, Emmanuel le Grelle vit au rythme de ses animaux, de leurs arrivés, de leurs départs aussi. À 48 ans, l'homme de la Vallée est serein. Ce n'est pas à un vieux singe qu'on apprend à faire la grimace…
Jean-Pascal Guéry: responsable zoologique
Psychologue et éthologue de formation, ce Picard tombé amoureux des gorilles, a fini par poser ses valises à Romagne.
C'est un peu par hasard que Jean-Pascal Guéry débarque à la Vallée des singes à l'été 2001. Ce Picard qui a suivi des études de psychologie et d'éthologie, vient pour quelques semaines suivre un stage de découverte du métier de soigneur animalier. Le jeune homme se prend d'amour pour les primates et est embauché comme saisonnier animalier dès l'été suivant. « En novembre 2002, j'intégrais l'équipe comme soigneur auprès des gorilles, d'abord en Cdd puis en Cdi. Depuis 2008, j'ai le poste de responsable zoologique (ou curateur) du parc et j'encadre une équipe de 20 soigneurs. » Un poste au service des animaux, dont il met en place les rations alimentaires, gère la conduite d'élevage, suit l'état vétérinaire, crée le territoire ou encore pilote l'administratif. « Je suis également responsable des programmes d'élevage de l'atèle à face rouge et du capucin à épaule blanche. »
Au milieu de ses journées très occupées, Jean Pascal trouve quelquefois du temps pour passer voir les gorilles qui ont, il l'avoue, sa préférence. « J'ai travaillé avec eux pendant 7 ans. Et si l'animal ne doit pas dépendre de son soigneur, il ne doit pas être non plus un inconnu pour lui, c'est une vraie relation. » Le téléphone sonne, deux soigneurs investissent son bureau, la journée reprend…
Nathalie Audiguet : aux manettes
L'histoire de Nathalie Audiguet et de la Vallée des singes, c'est avant tout l'histoire d'une rencontre. Alors qu'elle travaille au Futuroscope : « En 2003, un peu sans trop y croire, j'ai proposé ma candidature à la Vallée qui recherchait un(e) responsable commercial(e). » Dès le premier entretien avec Emmanuel le Grelle, ces deux là s'imaginent bien travailler ensemble.
Nathalie s'attèle alors à mettre en place une politique commerciale propre au parc de Romagne Dynamique et fonceuse, la jeune femme n'est jamais à court d'idées pour vendre « sa Vallée ». Et pour ce quinzième anniversaire, la jeune femme ne cache pas que son défi personnel serait de faire passer la barre des 200.000 visiteurs au parc.
Éric Pintureau : l'homme à tout faire
Plomberie, maçonnerie, électricité, métallerie, menuiserie. Éric Pintureau sait tout faire. À 39 ans, ce Poitevin imagine sans cesse qu'il n'y a pas de problèmes mais juste des solutions. Arrivé à la Vallée des singes en février 1999, comme « homme à tout faire », il a fait de la maintenance parfois version débrouille, son sacerdoce. « À l'origine, je m'étais plutôt orienté dans l'informatique, mais après mon service militaire et quelques mois en intérim, j'ai saisi l'opportunité d'intégrer l'équipe de la Vallée. Aujourd'hui je suis responsable technique et je gère 5 personnes. »
Des ampoules à changer, des arbustes à tailler, une serrure à dégripper ou encore des toilettes à déboucher, Éric et ses hommes savent tout faire. « Nous essayons d'être autonomes pour éviter de faire appel à des entreprises extérieures. À l'arrivée des bonobos, c'est nous qui avons fait la ferronnerie des 250 m2 de panneaux de cages, mais aussi les portes et les trappes d'accès de leur bâtiment. » Avec beaucoup d'huile de coude et pas mal d'ingéniosité, Éric s'assure au quotidien, que l'envers du décor fonctionne toujours au mieux. « Souvent, il suffit seulement d'être astucieux et inventif. » Car finalement, quoi de plus normal à Romagne, qu'être juste malin… comme un singe.
Source : La Nouvelle République du Centre-Ouest