Guyane française, l’or de la honte
Le journaliste Axel May nous emmène au cœur d’un département français, très prisé des chercheurs d’or : la Guyane. Ici, les pépites s’extraient trop souvent au mépris de l’environnement et se convoitent au prix de vies humaines.

Elle inquiète et fait rêver à la fois. Certains frissonnent à l’idée des dangereux reptiles et insectes qui y foisonneraient. D’autres fantasment sur la forêt tropicale et l’incroyable faune et flore qu’abrite ce département français d’Amérique du Sud.
La Guyane recèle de nombreux trésors. Et il en est un dont l’exploitation nuit gravement à l’exceptionnelle biodiversité guyanaise : l’or. Français, Brésiliens, Surinamiens... nombreux sont les orpailleurs, réguliers ou clandestins, à espérer une vie meilleure grâce à l’extraction du métal doré guyanais. Sans parler des multinationales nord-américaines qui convoitent également le filon. Tout le monde veut sa part d’un gâteau qui ne se partage pas à l’amiable.
Le journaliste Axel May est tombé amoureux de ce département français. Dès 2000 il a pu constater les dégâts, parfois irréparables, commis par l’homme dans le but de s’approprier le précieux métal. Il en a écrit un livre dans lequel il raconte ce qu’il a observé : les désastres causés par l’exploitation illégale de l’or et l’incapacité, voire l’absence de volonté, de l’Etat à contrer ce drame.
Un désastre environnemental
L’Amazonie, ce « poumon de la planète », est partiellement détruite par les orpailleurs qui y installent leurs exploitations. Les arbres sont rasés, les sols et l’eau pollués. En effet, le mercure, bien qu’officiellement interdit permet d’amalgamer l’or et facilite la tâche des chercheurs d’or. Problème : il pollue l’atmosphère, l’eau, la faune aquatique puis fatalement les Amérindiens qui se nourrissent de poissons.
Tout au long de son livre, Axel May évoque ses rencontres, décrit les personnes qui lui ont confié leurs douleurs. Comme Jean-Marie : « J’ai peur d’avoir des enfants handicapés à cause du mercure. Je donne à mes enfants ce que je trouve. Si on a rien à bouffer, on pêche de l’aïmara ! » explique cet habitant d’Emahé au journaliste. Ce poisson carnivore est l’un des plus touché par la pollution au mercure, et par conséquent le plus dangereux pour l’homme.
Des lois difficiles à appliquer
Une législation française encadre pourtant la pratique de l’orpaillage en Guyane. Les tables vibrantes sont censées remplacer le mercure. Les orpailleurs doivent fournir des autorisations d’exploitations, et travailler dans le respect de normes environnementales. En théorie, la loi empêche donc la destruction anarchique de parcelles entières de forêt, le rejet aléatoire d’essence dans le fleuve ou la pollution des poissons. En théorie seulement, car de nombreux orpailleurs ne se soucient pas de cette loi. Et pour cause, ils sont eux-mêmes illégaux sur le territoire guyanais.
Brésiliens ou Surinamiens, ils sont nombreux à se lancer dans l’extraction d’or, dans l’espoir d’améliorer leur quotidien. Nommés garimpeiros, ils ne respectent bien souvent aucune loi. Dans le livre d’Axel May, les gendarmes expliquent leurs difficultés à être efficace. Les clandestins, qui se cachent à peine, racontent quant à eux la facilité avec laquelle ils se fournissent en faux papiers.
Etat impuissant
Mais que fait l’Etat s’est demandé le journaliste ? Serait-il possible qu’une richesse nationale soit pillée impunément, qu’un climat d’insécurité soit ainsi instauré, que la biodiversité française soit systématiquement détruite sans que personne ne cille ? Les gendarmes déployés ne sont pas assez nombreux et n’impressionnent guère les clandestins.
Le plus souvent informés à l’avance des opérations « Anaconda », sortes de descentes organisées sur des sites clandestins, ils ont le temps de fuir. Ne craignant pas les gendarmes, certains d’entre eux n’ont pas hésité à leur tirer dessus.
Publié chez Calmann-Lévy, le livre d’Axel May est à la fois une enquête et une balade dans un bout de France méconnu de la plupart des Français. Il emmène le lecteur au bord du Maroni, aux cotés des Amérindiens, pour comprendre les dégâts sur leur environnement et leur santé. Il l’invite à découvrir le travail des gendarmes, motivés, mais conscients du peu de conséquence de leurs actions sur l’orpaillage clandestin.
Pas de révélations fracassantes dans ce livre. Il aura pourtant le mérite de soulever des interrogations chez les amateurs de bijoux en or. Un métal extrêmement précieux, dont le coût humain et environnemental reste particulièrement élevé.