La vie en captivité exige beaucoup de conditions. Des experts internationaux les ont résumées en cinq règles fondamentales. La première est d’assurer une bonne alimentation suffisante réunissant les habitudes alimentaires similaires à celles en milieu naturel.
Suivent alors les conditions d’une vie en communauté capables d’assurer en même temps l’élan de liberté et le sentiment de sécurité face à toutes les menaces, y compris celle représentée par l’homme. Force est de constater que ces conditions sont loin d’être réunies au parc de Ben Aknoun. La preuve en est le taux de mortalité important enregistré chaque année. Selon des documents, dont nous détenons une copie, 558 animaux ont péri en quatre ans (2009 à 2012).
Impossible d’avoir les chiffres des années 2013 et 2014. D’après nos sources, les morts n’ont pas été listés. Parmi les espèces rares qui ont disparu du parc, figurent les pythons et les wallabies. D’après Rachid Ouazib, secrétaire général de la section syndicale de l’UGTA à l’unité Zoologie et dont les propos sont confirmés par un ancien animalier, la cause probable des décès de ces animaux est due en premier lieu à la négligence, au manque de compétence et surtout d’entretien.
D’ailleurs, dans l’affaire de la mort des deux couples de pythons, plusieurs correspondances ont été envoyées aux responsables du parc, ainsi qu’à la tutelle (ministère de l’Agriculture et du Développement rural) quant à l’exiguïté du terrarium qui leur a été réservé ainsi que l’absence de matériel médical ne serait-ce qu’un thermomètre permettant une prise régulière de la température de ces reptiles qui s’avère un élément important pour garantir leur survie en captivité.
Les membres de la section syndicale de l’UGTA, signataires de cette correspondance, avaient proposé des sites adéquats pour ces bêtes. Les responsables du parc n’ont pas jugé urgent et utile de prendre au sérieux cette recommandation, encore moins d’agir pour sauver ces animaux qui auraient pu garantir au parc un grand intérêt auprès des visiteurs.
Vu la gravité de la situation, les syndicalistes ont adressé une lettre de dénonciation, dont nous détenons une copie, au ministre de l’Agriculture et du Développement local, Abdelouahab Nouri, dans l’espoir de le voir réagir. D’après une liste jointe à cette lettre, l’année la plus «mortelle» est celle de 2010 où près de 200 animaux sont morts, dont 35 lapins angoras, 2 tigres du Bengale, 7 gazelles à goitre, et 6 paons bleus.
Négligence et mauvais traitements
Durant l’année 2012, 84 sujets sont morts dont un hippopotame, un éléphant d’Afrique, un cob à croissant, un lion et un zèbre de Chapman. Plusieurs autres espèces animales ont trouvé la mort durant cette même année, dont des oiseaux en voie de disparition tels le canard mandarin. Le constat s’applique aussi aux années 2009, 2011 et 2014. Durant 2014, deux éléphants et 5 faucons pèlerins sont morts. La négligence est prouvée déjà par l’inadaptation de plusieurs cages à la taille des animaux. Parmi les exemples patents, celle des éléphants qui sont regroupés dans l’enclos des girafes.
Ces deux pachydermes ont péri après avoir avalé, à défaut de nourriture, des sachets en plastique qui se trouvaient par malheur près de leur clôture. D’après M. Ouazib, la vallée qui leur était dédiée a été concédée à un privé qui l’a transformée en un petit club hippique. Une volière a complètement disparu. Les espèces qui s’y trouvaient ont pour la plupart trouvé la mort.
Celles qui ont résisté sont éparpillées dans des cages qu’elles partagent avec plusieurs autres variétés. Le mélange des espèces et la consanguinité sont justement un des problèmes majeurs dans ce zoo. Dans les deux situations, en cas d’accouplement, il est impossible d’avoir une race pure. D’après un des anciens animaliers du parc, parmi les exemples concrets touchés, le cerf de Barbarie qui est en fait nul génétiquement.
Dans le même sens, le besoin de vivre en communauté pour plusieurs espèces est loin de figurer parmi les priorités des responsables du parc. La preuve : plusieurs sujets de la même espèce sont répartis sur une dizaine de cages. «Garder ces espèces en communauté dévoilerait la situation alarmante du parc dont, entre autres, le nombre très faible des espèces. Donc, on préfère les éparpiller pour montrer que toutes les cages sont pleines et que le zoo est en bonne santé», explique notre interlocuteur.
Pour enlaidir encore plus ce tableau, plusieurs enclos souffrent d’une saleté repoussante. La mare où barbotent des espèces de canards, d’oies, de cygnes et autres volatiles juste à l’entrée du zoo via le village africain en dit beaucoup dans ce sens. En l’absence d’une conduite d’évacuation, il est impossible de changer l’eau sale qui s’y trouve. A voir les conditions dans lesquelles vivent ces anatidés et autres ansériformes, ces pauvres bêtes auraient nettement préféré rester dans leur milieu naturel.
Direction du parc zoologique : la grande muette
Dans le souci d’équilibrer notre enquête, nous avons tenté par tous les moyens de joindre le DG du parc zoologique et des loisirs «La concorde civile», Lahfair Messaoud, à maintes reprises.
Toutes nos demandes de rendez-vous sont restées lettre morte. Notre première tentative de joindre ce dernier était en le contactant sur ses deux numéros personnels. Ne connaissant pas le numéro de la rédaction, ce dernier répond aux premiers appels.
Mais en se rendant compte qu’il s’agissait de la presse, il a mis fin à la communication. Depuis fin novembre, tous nos autres appels sont restés sans suite. Il en est de même pour nos fax envoyés en dates du 14 et 23 décembre 2014.
Un singe agressif
Trois fois de suite, un singe magot s’est attaqué à un animalier lui causant de graves blessures, plus précisément au niveau du visage. La dernière fois ne date que de quelques semaines.
D’après des employés au niveau de l’unité Zoologie, sa cage n’est pas solide. Chose qui lui a permis de s’y échapper trois fois de suite. Le résultat aurait pu être catastrophique s’il s’en était pris à un visiteur. La direction du parc ne semble pas inquiète.
Fichier animalier inexistant
Des volontés étouffées. C’est l’unique conclusion tirée des multiples correspondances adressées aux directeurs de l’unité zoologie et du parc zoologique et d’attractions de Ben Aknoun, ainsi qu’au ministre de l’Agriculture et du Développement rural, Abdelouahab Nouri.
Dans la plupart de ces lettres, dont nous disposons des copies, des propositions concrètes permettant une meilleure gestion du cheptel animalier au zoo de Ben Aknoun sont restées sans suite.
Parmi les plus importantes, selon leurs instigateurs (des animaliers et cadres à l’unité zoologie pour la plupart), la création d’un fichier animalier. Ce dernier, qui n’est autre qu’une banque de données, est mis à jour mensuellement.
Il englobe en détail les effectifs des animaux, leur mouvement — entre autres les naissances et les décès —, ainsi qu’un dossier propre à chaque animal où ce dernier aura un nom, ainsi qu’une fiche de classification, de description et d’identification. Il bénéficiera également de carnets sanitaire et alimentaire.
Avec la présence de cette banque de données, la gestion du cheptel animal en captivité au zoo ne sera pas faite au hasard. De facto, il n’y aura aucune place aux erreurs et d’y remédier à temps s’il y en a une, ainsi que de sanctionner la personne mise en cause.
Ce fichier est aussi décisif pour prévenir toute situation inattendue et inopportune à temps. Toutefois, malgré toute l’importance que revêt ce document important, qui ne nécessite que la bonne volonté des décideurs, toutes les demandes de le créer sont restées lettre morte.
Il est de même pour toutes les autres propositions telles que la réalisation d’une structure d’incubation artificielle, l’aménagement d’un vivarium, l’élaboration d’un programme d’élevage spécifique de conservation pour les animaux protégés ou menacés de disparition, une couveuse, un musée d’histoire naturelle...
Source : El Watan.
