Les mômes font les grands yeux quand ils voient cet homme ténu débouler dans un enclos du Bioparc. En chemise mais avec l'aura que confère la blouse blanche des médecins, Rudy Wedlarski et ses soigneurs sont à l'écoute des maux des mille et un animaux du zoo de Doué-la-Fontaine (Maine-et-Loire). Ce matin, les rhinocéros noirs sont en retard : l'enclos de trois hectares est vide. « Vous avez de la chance, ce n'est pas tous les jours qu'on leur fait une prise de sang », glisse le vétérinaire.
Katakata est une belle bête d'une tonne, élancée sur plusieurs mètres. Plutôt docile au demeurant ou bien éduquée, même s'il vaut mieux rester sur ses gardes. Un mot, « target » (cible), un geste et Kata s'exécute : elle passe ses cornes entre les barreaux du box. Julie, l'une des seize soigneurs du zoo, donne la becquée au rhino tout en l'encourageant : « Kata, target, en place. OK, Kata, tu restes. OK boy, c'est bien... »
La diversion opère et les soigneuses prélèvent le sang nécessaire à l'examen sur l'oreille de l'animal. Dans le jargon, « c'est ce qu'on appelle du training médical. Cela nous permet de gagner du temps et d'éviter des captures stressantes, indique Rudy Wedlarski. Les gens pensent que l'on passe notre temps à flécher les animaux pour les endormir ! » En réalité, l'opération, risquée, est effectuée en dernier recours. « Si on endort un lion ou une girafe, c'est que nous n'avons pas bien fait notre travail. »
Au rythme des appels, Rudy Wedlarski alterne entre son bureau et le terrain. Il y a les ibis rouges qui viennent d'éclore, « à nourrir à la main », les cages à oiseaux fraîchement installées à la grande volière sud-américaine à vérifier. Et toujours la paperasse à remplir. Alors, pendant ce temps, ses yeux et ses oreilles, ce sont les soigneurs. « Ils connaissent mieux que moi leurs animaux, leurs habitudes et leurs goûts », admet-il.
« Un parc animalier, ce n'est pas fermé »
La nouvelle vient de tomber dans le talkie-walkie : un panda roux est né. La soigneuse demande la permission d'augmenter la ration des mammifères. Elle précise : « On va lui donner de la nourriture que le mâle n'aime pas pour éviter qu'il mange tout. » « Voilà, c'est typiquement ces détails que j'ignore et que les soigneuses connaissent », expose le vétérinaire, qui travaille à Doué depuis trois ans. Quelques minutes plus tard, une autre signale que Binty, un rhinocéros femelle, a des chaleurs. « Ouvrez l'enclos du mâle ! »
Pour les zoos, la reproduction des espèces menacées est un véritable enjeu. « Un parc, ce n'est pas un espace fermé. Il y a des échanges d'informations et d'animaux entre les établissements, dans le but de maintenir la viabilité génétique de certaines espèces », explique Rudy Wedlarski. Pour cela, un programme d'élevage européen, présidé par des experts, a été créé dans les années 80. Le but : faire des recommandations de transferts. Le vétérinaire de Doué porte aussi cette casquette en tant que coordinateur, au sein de ce programme, pour le condor des Andes.
Une des avocettes s'égosille, dans le bureau, pendant que le vétérinaire lui fixe un bandeau sur son aile. Le téléphone rugit. « C'est un parc anglais qui demande des conseils pour son condor... » Au zoo, être véto n'est pas de tout repos.
Source : http://www.ouest-france.fr/region/paysd ... 7_actu.Htm